Li Jieren : le passeur de nos imaginaires

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Monsieur le Consul Général de la République Populaire de Chine à Marseille, vous le savez ici, vous êtes toujours le bienvenu. Merci de vos mots extrêmement chaleureux, et je veux associer à ma prise de parole l'ensemble des élus, Madame l'Élue à la Culture, M. Bellanger, au Patrimoine, M. Nison, évidemment Mme Frêche, qui est la Vice-Présidente aux mobilités. Remercier Régis Penalva, qui n'a pas de talent de comédien, quoi que, en tout cas le remercier de ses mots, de cette lecture, qui a été très émouvante et qui nous rappelle combien la littérature peut convoquer des imaginaires, nous questionner. Nous tenions à faire cette inauguration pendant la Comédie du livre, qui va accueillir près de 150 auteurs à la rencontre des Montpelliérains et des Montpelliéraines.

Je voudrais évidemment saluer les représentantes des associations chinoises à Montpellier tant elles jouent un rôle important dans l'accueil des étudiants, dans la découverte de la culture chinoise, dans les relations économiques, dans les relations éducatives. Merci à vous de votre présence, Mesdames et Messieurs. Au moment, avant de parler de cette inauguration, hier, ou avant-hier, pardon, M. le Consul Général, je recevais en mon bureau, à la mairie de Montpellier, des collégiens de Fontcarrade qui, grâce à votre soutien, vont se rendre à Chengdu.

Il y a à Montpellier, c’est méconnu, et c'est pour moi l'occasion de le dire, nous sommes la ville française où les enfants ont le plus l'opportunité d'apprendre le chinois. L'école Benoîte Groult, c'est un accès. Et Chengdu, pour le primaire, le collège François Rabelais et le collège Fontcarrade, et le lycée international Jules Guesde, donnent un enseignement, et je veux en saluer Mme la Rectrice, de nous accompagner, qui permet à plein de jeunes d'apprendre à écrire le mandarin, de découvrir la civilisation chinoise.

Et ensuite, notre université Paul-Valéry, avec son département de mandarin. Nous sommes la ville de France où l'on peut le plus apprendre le chinois, et le plus contribuer à construire un pont entre deux nations amies, la Chine et la France, deux civilisations multiséculaires, où nous avons tant à comprendre l'un de l'autre, tant nous avons des points communs, et tant nous avons eu des relations différentes, et notamment avec la nature, et de ce point de vue, la Chine a beaucoup à nous apprendre. Je veux le dire parce que les jumelages, ce ne sont pas juste des moments d'échange entre les Maires, ce sont des liens au quotidien qui se nouent.

J'ai pris ceux de l'éducation, mais la première, le nombre d'étudiants, les premiers étudiants étrangers dans nos universités sont des étudiants chinois. Après vient le Maroc, et c'est une chance, c'est une chance pour eux, c'est une chance pour nous, car nous nouons des liens. Et j'en viens ici à Li Jieren.

Vous allez me dire, Monsieur le Maire, vous aimez les livres, c'est vrai, mais je dois avouer mon inculture, tant je n'ai pas eu la chance de découvrir dans mon parcours scolaire, universitaire, d'auteurs de langues chinoises, chose qu'il faut remédier. Et lors de mon déplacement à Chengdu, intense, et je veux vous le dire, Monsieur le Consul Général, nous avons été reçus avec tous les égards, avec une hospitalité qui nous oblige. Dans ce déplacement, à la fin du voyage, à la toute fin, on me dit, mais Monsieur le Maire, il faudrait que vous alliez voir un endroit.

Et alors, ça n'était pas dans le programme officiel. Mais nous sentions que nos hôtes, les autorités de Chengdu, avaient été tellement touchés de la manière dont nous cherchions à mieux comprendre, à mieux construire, et ont tenus à ce que je me rende dans une maison où on était accueillis avant par des arbres. Et là, je découvre cette maison, et le Directeur de cette maison était là, et très honoré de me recevoir, il me présente la Maison Li Jieren.

Et ça commence ainsi. Il me dit qu'il est le traducteur de Flaubert, de Maupassant, de l'Abbé Prévost, l'auteur de Manon Lescaut, et qu'il est le premier à rendre accessible aux chinois, aux étudiants chinois, des grands auteurs que nous connaissons, nous, sur les bords de l'école, car à quelques semaines du baccalauréat français, nombreux sont les lycéens qui plongent dessus. Et Li Jieren est le traducteur, il est le passeur de notre langue vers la Chine.

Il est le passeur de nos imaginaires, ceux du grand courant naturaliste qu'a tant marqué le XIXème siècle, vers la grande civilisation chinoise. Et donc, je suis déjà très impressionné, et je découvre cette maison, et M. le Consul Général, à côté des grands gratte-ciels de Chengdu, il y a cet espace conservé par la municipalité comme un symbole. J'apprends qu’il est Vice-Maire de Chengdu, dans les années 50, et qu'il exerçait, dans la Nouvelle-Chine, des responsabilités politiques importantes.

Et là surgit quelque chose qui va pour moi être un choc. La rue Frédéric Mistral à Montpellier. Tout le monde doit savoir où c'est. Rue Frédéric Mistral, c'est juste à côté de la Comédie, et on voit une photographie de Li Jieren devant cette très belle façade de la rue Frédéric Mistral, en 1920. Et puis, on continue, et là une seconde photographie surgit. Li Jieren, telle une peinture de Frédéric Bazille, au bord du Lez, avec des étudiants.

Des étudiants qui ne sont pas des étudiants chinois, qui sont des étudiants, ce sont sans doute ses compagnons d'amphithéâtre de la Faculté des Lettres de Montpellier. Un petit bout de Montpellier, en plus, était là, à Chengdu, savamment protégé sous l'autorité de la Municipalité, pour que chacun découvre ce passeur de culture. Et là, j'apprends qu'il est effectivement auteur d'un roman, et merci aux éditions Gallimard, dont en France elle joue un rôle tellement important, traduit en français.

Et quand je sors, vous le voyez, je parle comme un enfant émerveillé, ou comme un Maire bouleversé. Je dis aux directeurs de la Maison de Montpellier et aux autorités de la municipalité de Chengdu, nous allons dénommer un lieu, en l'honneur de Li Jieren, cet étudiant qui a été le passeur des littératures entre nos deux civilisations. Et alors, là vient une question difficile pour le Maire, avec son conseil municipal que je remercie.

Où ? Je cherchais un endroit avec la Faculté de Lettres de Montpellier, mais elle avait été délocalisée par mon prédécesseur François Delmas au nord de la ville. Ce n'était pas le lieu de Li Jieren. Alors, il était Vice-Maire de Chengdu, et Monsieur le Consul général vous avez rappelé avec beaucoup d'élégance notre jumelage dans le cadre de l'amitié franco-chinoise, et ce jumelage avait été voulu par Georges Frêche, qui est le premier Maire français à avoir jumelé sa ville avec une ville chinoise.

Le premier à avoir voulu accompagner, après la reconnaissance des relations diplomatiques, ce pont vers la Nouvelle-Chine. Et donc, il me fallait trouver un lieu très lié à Georges Frêche dans Montpellier. Le Vice-Maire, et donc le quartier d'Antigone dont il a été le Maire bâtisseur où effectivement les grandes figures de l'architecture sont présentes, il fallait le lier.

Et puis, c'est un écrivain, un auteur, et je veux saluer David-Jonathan Benrubi, je suis très sensible à votre présence Monsieur le Directeur, parce qu'il faut que Li Jieren ne soit pas très loin des livres et il est juste à proximité de la médiathèque Emile Zola, chef de file du courant naturaliste en littérature. Juste à proximité. Et puis, il y a de l'autre côté du pont Juvénal, la bibliothèque interuniversitaire où travaillent les étudiants venus du monde entier mais bien sûr, de Chine, et autour des livres et des machines à café et de thé, mais bien moins bon que le thé du Sichuan.

Ils échangent. Et donc, l'espace me semblait important. Et Madame Frêche l'a très bien décrit avec une très belle citation, que je vais aussi essayer de mémoriser.

Cet espace, c'était autrefois l'espace de parking. Et là, c'est un espace où la nature reprend ses droits dans la vie. Et là, ça nous fait penser à Chengdu, qui comme Montpellier est une ville nature, une ville de l'harmonie.

Il y a d'ailleurs eu récemment un très beau papier dans Le Monde qui a vanté les mérites de Chengdu. Et donc ici, voyez, c'est très simple. À l'ombre des arbres et à la canopée naissante, rafraîchissante, se dressent des bancs. On pourra s’asseoir et lire des livres, converser. Et donc, voilà pourquoi ce lieu et Monsieur le Consul Général, on va prendre ensemble des photos, on va les envoyer à la maison Li Jieren. Et Montpellier en 1920, Montpellier en 2025, voilà un des symboles de notre amitié.

C'était pour moi extrêmement important d'honorer à l'autre bout du monde. Comme nous le disons parfois, cette promesse que j'avais faite et qui avait valu des applaudissements enthousiastes, ceux qui étaient avec moi s'en souviennent.

Et ce que je souhaite, ce n’est pas juste inaugurer, je m'adresse aux hommes de l'Art, c'est que des liens avec la maison Li Jieren à Chengdu soient noués de partage, de connaissances, d'invitations pour continuer à travailler pour édifier ces ponts. Alors, nous allons évidemment continuer, M. le Consul Général, avec votre soutien, le soutien de M. l'Ambassadeur qui aurait aussi plaisir à recevoir dans nos liens, vous l'avez dit, entre Montpellier et Chengdu. Au mois de décembre, Mesdames et Messieurs, dans le cadre du jumelage, nous avons signé un protocole d'accord notamment d'échanges à travers les musées.

Et Mesdames et Messieurs, chers montpelliérains, chères montpelliéraines, nous ne connaissons pas assez la Chine. Moi, j'ai eu la chance de la découvrir de trois manières. La première, c'est d'entendre les discours à l'érudition flamboyante de Georges Frêche qui nous parlait de la civilisation chinoise et qui nous invitait à beaucoup de jubilité, à nous qui sommes très souvent européanocentrés.

Georges Frêche nous expliquait pendant des heures ce qu'était la civilisation chinoise. On la connaît parfois par des représentations, parfois d'ailleurs nous-mêmes avec des préjugés. Je le dis qu'il nous faut combattre.

Celui qui a le mieux combattu les préjugés contre la civilisation chinoise, qui me soit permis de vous le dire, c'est Victor Hugo qui après le saccage du Palais d'été a eu un texte à vocation universelle qui, j'espère, est enseigné dans tous les lycées de notre pays. Tant il nous renvoie en disant mais qui sont les barbares ? Les barbares, ce sont ces Français et ces Anglais qui ont saccagé les traces d'une civilisation multiséculaire. Et puis, ça a été cette découverte pour moi par ce voyage en tant que Maire et avec la volonté ardente, M. le Consul Général, d’œuvrer aux relations sino-françaises.

Et à Montpellier, nous avons passé un accord avec le musée Guimet où, au musée Fabre, nous pourrons découvrir la civilisation chinoise. Et je veux le dire, la découvrir avec beaucoup d'humilité. Beaucoup d'humilité.

A la fois sur le plan de la médecine, sur le plan du système politique, sur le plan de l'éducation et donc pour nous ouvrir au monde. Parce qu'ainsi est Montpellier. Montpellier, c'est une ville qui n'est pas repliée sur elle-même.

C'est une ville généreuse. C'est une ville accueillante, hospitalière qu'il y a plus d'un siècle a accueilli ce jeune étudiant de la Province du Sichuan qui est devenu un très grand auteur. Et donc Montpellier, c'est une ville qui édifie des ponts. Qui contribue au dialogue entre les nations. Pas dans un sentiment de supériorité. Cela est insupportable.

Mais d'égal à égal. Tant nous avons à apprendre les uns des autres. Comme Li Jieren a amené en Chine une partie de notre littérature, et lui-même a amené à nous les imaginaires les représentations de la Chine dans le XXème siècle.

Je suis donc très heureux de remercier tous ceux et celles qui ont rendu possible cette inauguration. Et vraiment Monsieur le Consul Général vraiment vous remercier pour tout l'engagement qui est le vôtre, celui des autorités de la Nouvelle-Chine pour pouvoir faire vivre ce que nos chefs d'État respectifs le Président Xi Jinping, le Président Emmanuel Macron ont souhaité réaffirmer l'année dernière dans l'amitié sino-française et dont vous l'avez bien compris Montpellier se veut un des fers de lance.

Donc merci à chacun et chacune d’entre vous, et vive l'amitié sino-française.