
Chère Madame, vous vous êtes faite de manière magistrale, porte-parole de votre histoire familiale qui se confond avec le destin de la France dans les moments les plus sombres que fut celle de l'occupation. Et sur le sol de France, notre ville ne fut point épargnée de son cortège de malheurs. Vous avez fait référence à l'invasion après 1942 par l'armée allemande.
Nous étions à l'origine en zone dite libre, même si déjà nous étions sous le régime de l'État français qui avait destitué la République le 10 juillet 1940. Je vais revenir sur Élise Baudou.
Je voudrais saluer la parole de Nicolas Cossange, secrétaire fédéral du Parti communiste français, lui adresser mon amitié et mon soutien à lui, à l'ensemble des hommes et des femmes qui y militent, saluer son dirigeant Fabien Roussel.
L'engagement communiste dans la guerre fut décisif. Ce sont des gens animés de valeur, des militants, des militantes. Cette dénomination arrive dans un moment particulier dans l'histoire de notre ville, celui des 80 ans de la libération du sol national, des 80 ans de la victoire des alliés contre le nazisme et son cortège de ténèbres.
À Montpellier, nous avons tenu à ce que nous soyons au rendez-vous de ces commémorations à plusieurs égards.
D'abord en mobilisant les historiens et les historiennes pour qu'ils nous aident à mieux connaître, durant les années sombres, l'histoire de notre ville. Quand il y eut les 50 ans de la libération de Montpellier, commémorés, tout le monde était résistant.
Tout n'avait pas été dit sur l'infâme milice qui fréquentait de la villa des Rosiers, à la caserne de Lauwe. Il a fallu le travail, les témoignages d'hommes et de femmes qui avaient affronté cette période, qui parfois avec une très grande pudeur l'avait tenu en discrétion, pour que nous puissions petit à petit remettre à l'honneur cette mémoire.
Nous l'avons fait pour une juste parmi les nations, Suzanne Babut, qui porte le nom d'un parc dans le quartier Boutonnet. Nous l'avons fait pour Laure Moulin, qui n'est pas que la sœur de Jean Moulin, mais qui fut une figure de la résistance féminine.
Et c'est là où le nom d'Élise Baudou vient, car Montpellier ainsi que les historiens ont longtemps oublié la contribution décisive des femmes dans la résistance. Nous avons eu à cœur, avec mon ami Sébastien Cote qui s'occupe de ces sujets, justement d'inscrire dans la mémoire de notre ville les noms de ces femmes.
Laure Moulin se trouve à proximité du quartier des Arceaux et la photo historique de son frère. Le parc Suzanne Babut, juste à côté de sa maison. Et nous nous sommes questionnés sur comment honorer Élise Baudou.
Comment choisir ? Je ne pouvais pas débaptiser la Tour Gayraud, mais je vous fais la proposition d'y installer une plaque à sa mémoire. Car la Tour Gayraud fut ce figuerolles des faubourgs d'une ville encore peu développée, mais fut un lieu important de la mémoire de la ville.
Et quand nous travaillons ensemble avec les différents chercheurs, nous voyons bien que beaucoup de choses se sont jouées à cet endroit. Les amitiés de voisinage, les silences. Et cela me semble important.
Nous nous sommes portés vers le quartier populaire de la Paillade, qui n'existait pas. Ici, c'était la grande propriété de Sophie Desmarais.
Mais ce quartier est un quartier populaire qui témoigne de l'engagement communiste d'Élise Baudou. Et je dois vous le dire, il y a une personne dans cette assistance honorable qui a beaucoup compté pour moi et qui compte beaucoup. C'est mon amie communiste Françoise Prunier avec qui j'ai eu le plaisir de siéger et qui m'a souvent parlé de la paillade. Ancienne élue de la ville de Montpellier qui habite juste ici.
Je me suis dit qu’ici, ce serait le bon endroit parce que c'est un quartier populaire et donc parce qu'une des figures des idées qui habitaient Élise Baudou est représentée par quelqu'un comme une sorte de filiation. Enfin, parce qu'ici il y a une école et même plusieurs écoles.
Quand on dénomme, c'est pour que les vivants, les plus jeunes notamment, puissent se dire : « qui était cette personne ? » Et qu'un jour, soit ils aient la démarche de faire une petite recherche sur Google, soit ici un professeur, dépositaire du savoir, réponde à cette question. Je salue d’ailleurs toutes les équipes pédagogiques.
Dénommer des rues, c'est faire œuvre de reconnaissance dans la mémoire collective d'un nom pour une famille. Mais c'est aussi nous aider à nous guider, nous les vivants, pour le présent et pour le futur.
Et donc ici, où des centaines d'enfants sont actuellement formés, je vois arriver les projets pédagogiques des classes de CM2, de professeurs, qui retraceront l'histoire de votre arrière-grand-mère.
Je vais récupérer votre discours pour qu'il figure sur le site de la ville avec la photo inaugurale parce que ça va nous aider à transmettre cette mémoire.
Je suis très honoré d’être ici. Vous avez eu des remerciements, mais c'est nous qui vous remercions de nous avoir aidés à faire reconnaître, à mettre en partage une femme qui a contribué à incarner le meilleur visage de la France dans cette période d'épreuve de lutte contre les ténèbres. Donc merci à vous.
Cette décision fut à l'unanimité du Conseil municipal, et cela est important. Ça veut donc dire que la mémoire n'est pas discutée, elle est collective. Je voudrais, au terme de cette allocution, vous indiquer que nous allons continuer.
Car il existe, dans les mémoires de familles, d'autres Élise Baudou. Alors certes, c'est la seule gradée des FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). Ça, c'est bien repéré par les historiens.
Nous allons continuer, et je serai très honoré que vous soyez présents le 26 novembre 2025, sur la Place des Martyrs de la Résistance. Ce nom évoque ceux qui ont soit donné de leur vie, soit été blessés, soit toute leur vie porté cette mémoire tragique, comme ce fut évoqué lors de la distinction, à 83 ans, de la Légion d'honneur officielle. Lors de cette inauguration, il y aura 140 jets qui vont s'élancer pour rafraîchir la ville.
Nous avons fait le choix de mettre 140 pavés avec les noms de tous les gens qui ont contribué à la Résistance, mais qui ne sont pas encore entrés dans la mémoire de la ville.
Nous en avons laissé 10, parce qu'on sent que d'autres arriveront. Et les Maires qui se succéderont après moi devront toujours corriger les oublis, les impasses, les ignorances, qu'il ne faut pas blâmer, qu'il faut corriger.
Et donc, au terme de ces 80 ans pour la libération du sol national et de la victoire des alliés, nous voulons, à l'heure où les derniers témoins nous quittent, les dernières prises de parole se font rares, mais à l'image de Ginette Kolinka, sont encore puissantes devant les collégiens de Rimbaud, ici, il y a deux ans.
Nous devons nous assurer que personne qui a été habité d'une valeur qui distingue les hommes et les femmes, le courage soit honoré. Nous honorons le courage d'Élise Baudou. Nous avons appris sur son parcours.
Nous ne savons sans doute pas tout ce que fut la Villa des Rosiers, dont les mots qui m'ont été portés, notamment par Alice Albernhe, qui connut l'expérience de la baignoire, m'habite encore.
Ces témoignages nous rappellent que les hommes peuvent être capables du meilleur, comme du pire, comme à Ravensbrück ; nous rappellent que nous avons un devoir collectif, Mesdames et Messieurs, de vigilance face au retour de la barbarie, face à la haine, face à ceux qui veulent édifier des murs, construire des préjugés.
Les idéaux qui habitaient Élise Baudou à la Libération étaient ceux du communisme, d'une idée de la fraternité universelle entre les peuples et entre les hommes.
Cette idée, bien sûr, a été défendue par les communistes, mais je crois qu'elle appartient au-delà à une famille politique ; elle appartient à ceux qui sont habités d'une idée de progrès pour le genre humain.
En prononçant ces paroles à cet instant, vous mesurez tous que si nous commémorons avec fierté la liberté retrouvée et que nous savourons chaque instant, peuple de France, et bien nous avons un devoir de vigilance car, hélas, la folie des hommes semble revenir.
Continuons à nous adresser à la jeune génération, celle qui grandit, qui est espiègle, rentre à l'école, sort de l'école, pour lui donner des références inspirantes qui les guident dans leurs actions.
Merci à vous de nous avoir rappelé la mémoire et l'engagement d'Élise Baudou.
Je fais le serment que les centaines d'enfants qui étudieront ici connaîtront son nom et grandiront avec sa mémoire, non pas comme une mémoire pesante, mais comme une mémoire éclairante pour un avenir habité de ses valeurs d'humanité.
Je vous remercie.