"La république a besoin de savants"

Photo de Michaël Delafosse lors de l'inauguration du parvis Alexander Grothendick

Discours de Michaël Delafosse lors de l'inauguration du parvis Alexander Grothendieck.

"Merci de vos mots, merci de votre présence, c'est un grand honneur pour nous. Nous venez souvent à Montpellier parce que vous répondez à nos invitations, que ça soit la convention citoyenne sur l'intelligence artificielle, l'agora des savoirs, grand moment de diffusion de la culture scientifique, grand mathématicien français, distingué également par la médaille Fields, vous avez parlé de manière magistrale d'un de vos pères. Donnez le goût des maths, donnez le goût de la science, voilà un des enjeux.

Je voudrais saluer évidemment l'ensemble des membres de la communauté scientifique, les présidents de comités de quartier, mesdames et messieurs, les enfants qui assistent à cette inauguration formidable. Je voudrais vous remercier d'être là avant de revenir à la politique de dénomination de la municipalité.

Quelques mots sur un sujet qui occupe beaucoup les Montpelliérains, les travaux.

Ici c'est une université, c'est un lieu d'accueil et faire de l'espace public doit toujours être un lieu de générosité.

Vous savez c'est un lieu où on se donne rendez-vous, on se croise, on échange, c'est un repère qui représente l’importance de l'espace public. Donc nous avons entrepris ces travaux et ce n'est plus du bitume noir, c'est du béton désactivé, nous avons désimperméabilisé les sols et ça peut vous donner un goût d'inachevé. Mais c'est normal parce que ici il faut écouter les chercheurs qui nous disent attention il faut pas planter à n'importe quelle taille, à n'importe quel moment de l'année.

Donc on aura rendez-vous en automne à la Sainte-Catherine et on y plantera des arbres pour qu'une canopée crée de l'ombre, rafraîchisse cet espace et l'embellit. Nous développons aussi une politique de mobilité très volontariste pour décarboner et réduire nos émissions de CO2, corriger les erreurs du passé, essayer de moins en faire et finalement essayer de nous reconnecter avec la nature, même si le chemin est long et exigeant.

Donc le réseau de pistes cyclables qui s’étend de la place Jean-Baumel à ce parvis est accompli. Je crois que monsieur Nison provoque la satisfaction des cyclistes et je vous annonce que nous allons d'ailleurs cet été faire des travaux à la rue de Truel pour qu'on puisse continuer et retrouver la piste cyclable demandée et donc assurer les continuités cyclables permettant à tous ceux et celles qui peuvent se déplacer autrement qu'en voiture d'utiliser le vélo tout comme le moment venu.

Nous travaillerons vers le lien Emile Diacon pour rejoindre un petit peu mieux et un peu plus en sécurité pour les piétonscyclistes la ligne 1 de Tramway que vous avez peut-être vu dans la presse. Nous nous réjouissons que la gratuité des transports ait entraîné une augmentation de 23,7% de notre réseau de transports en commun. Autant de gens qui se déplacent, autant de gens qui font d'autres choix que leurs véhicules et bientôt on vous donnera la date de l'inauguration de la cinquième ligne de Tramway qui viendra desservir l'autre campus.

Mais soyez rassurés, tout aura une fin, il faut que vous le racontiez, que nous y sommes arrivés. Et donc je voudrais remercier ici toutes les équipes qui ont travaillé dessus, sur ce chantier l'entreprise Eurovia, je connais beaucoup de fonctionnaires territoriaux qui ont tenu à bien réaliser ce chantier, monsieur le président, monsieur le doyen de la faculté pour que finalement et bien ici aussi l'espace public soit au rendez-vous. Je vous invite aussi à observer, c'est toujours un détail mais il compte beaucoup, la ligne de vue pour les étudiants en situation de déficience visuelle et je veux monsieur le président saluer les efforts de l'université pour faire en sorte que le droit à l'éducation soit garanti à tous et donc l'espace public doit également y répondre.

Ce projet nous a coûté 1,8 million, mais nous devions le faire. Ici, mesdames et messieurs les membres de la communauté universitaire, vous accueillez des chercheurs du monde entier dans les colloques, des étudiants de toute la planète viennent étudier à Montpellier et il faut que l'ambiance d'hospitalité, la générosité

d'espace public soit au rendez-vous parce que venir à Montpellier c'est une rencontre de l'esprit bien sûr mais c'est aussi une rencontre avec une ville.

Alors maintenant venons à la dénomination.

Je veux rassurer, en tant que maire, je ne débaptise rien. Il y a des dénominations qui existent dans notre ville et il est plus intéressant de susciter l'esprit critique pour dire pourquoi les gens ont dénommé à cette époque et en comprendre le sens plutôt que de se lancer dans des débaptisations. Donc évidemment, Eugène Bataillon, sa mémoire doit continuer à être honorée.

Ce nouvel aménagement a été l'occasion pour nous de saluer une très grande figure de la science française, de la science universelle contribuant au progrès humain, au sens noble du terme: Alexander Grothendieck. Cette idée, elle nous est venue d'abord parce qu'autour de nos universités, il faut choisir des figures de la science. Il faut que nous témoignions, nous on est le conseil municipal, on représente les Montpellierains les Montpelliérains et je voudrais dire que cette dénomination a été unanime et en remercier le conseil municipal.

Voilà la sensibilité qui est la mienne celle du conseil, nous croyons en la science et elle doit être défendue. Et il se trouve que cette dénomination a eu lieu au moment où il existait des manifestations anti-vaccin s’en sont suivies des raisonnements très obscurantistes.

Mais qui était Eugène Bataillon ? Qui était Alexander Grothendieck ? ou qui était Jean Baumel, figure de la résistance montpelliéraine ? Qu'on pose ces questions, dénommer c'est honorer, mais dénommer c'est cultiver la curiosité. Et c'est essayer aussi de contribuer à élever l'esprit. Alors voilà comment nous dénommons.

Personnellement j’ai découvert Alexander Grothendieck un jour en lisant Libération qui avait fait sa une, présentant son fond exceptionnel en disant qu’à Montpellier il y a des liens, qui montrent les archives d'un très grand savant. Je veux saluer tout le travail afin de les rendre accessibles par la numérisation.

Et donc, voilà comment nous avons fait ce choix, honorer un des chercheurs de l'université de Montpellier et un grand chercheur français, MédailleFils. Nous avons appris par vos propos qu'il a à la fois survécu par son père au tourment de l'histoire, et cela nous oblige nous les vivants d’affirmer qu'il était un chercheur avec une fonction dans la société, autour des mathématiques, mais aussi des engagements. Protéger l'étranger, questionner la société dans son développement, s'approprier les lettres par la littérature, et donc homme d'engagement, il rentre aujourd'hui dans la mémoire de notre ville. Au fond les étudiants, quand parcoursup leur dira que c'est à la fac de sciences de Montpellier qu’ils devront aller, ils peuvent se dire qu’ils ont découvert qui était Grothendieck en découvrant cette plaque et en cherchant.

C’est une modeste contribution à la réussite des études, mais elle est nécessaire. Je voudrais terminer parce que j'ai été très touché par vos discours respectifs, je voudrais le dire, il y a une phrase qui me hante, et là je vais faire le prof d'histoire. Moi je suis très républicain et je crois que la république doit contribuer au progrès.

La république est née à la Révolution française, elle est le grand mouvement des idées politiques, elle s’est inspirée des idées des Lumières, évidemment les philosophes, mais aussi les scientifiques tel qu'Antoine Lavoisier. Parce qu'elle ne trouve pas la nuance nécessaire dans les combats politiques, il y a un personnage terrible qui prononce une phrase au moment où il va guillotiner Lavoisier, c'est le procureur. “La n'a pas besoin de savants”.

Et bien moi je le dis, plus que jamais la république a besoin de savants, a besoin d'ingénieurs, a besoin de doctorants, a besoin d'étudiants. Parce que plus la cultivera le savoir, la connaissance, l'esprit critique, plus elle sera forte, plus notre pays sera généreux pour l'esprit humain. Et nous devons défendre cela.

Et si M. Le Doyen est accueilli par quelques barnums de gens qui s'appellent les savants fous et qui apprennent à des enfants à coder ou à fabriquer des robots, moi je trouve que c'est l'un des plus beaux hommages qu'on puisse rendre à Alexander Grothendieck, mais à tous les chercheurs. Alors jeunes gens, ayez le goût des maths, ayez le goût des sciences, et peut-être qu'un jour vous sortirez diplômés avec un titre de docteur de cette université. Et je m'adresse encore plus aux filles, parce que nous avons encore plus besoin de vous.

Merci à vous, soyez assurés du soutien de la municipalité, l'ensemble des chercheurs, merci de votre engagement à descendre dans la cité, à expliquer. C'est de ça dont nous avons besoin, bien mieux que de sombres querelles sur l'origine des gens, les couleurs de peau ou les discordes ô combien désagréables. Régalez-nous, régalez le débat démocratique sur les exigences de la science et ce qu'elle peut nous apporter de meilleur dans un grand projet humaniste. Je vous remercie."