La mémoire de Jaurès nous oblige, elle est une exigence pour notre action au quotidien

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Discours prononcé à l’occasion de l’hommage rendu à Jean Jaurès – 31 juillet 2025

Je voudrais saluer les nombreux élus présents. Monsieur le Sénateur Hussein Bourgi, très fidèle au rendez-vous. Monsieur Assaf de la région, Jean-Louis  Gély du Département, Carole Delga et Kléber Mesquida. Je salue mon ami Armand Rivière, le Maire de Pézenas, qui a permis une alternance démocratique au profit de la gauche en 2020 dans cette commune qui est la patrie de Molière, qui nous est chère, où il mène des politiques très importantes au service des gens. Je veux saluer aussi Claude Cougnenc, président de l'association des Amis de Georges Frêche. Merci à tous d'être là. 

Nous sommes une singularité en France. Il y a en ce moment une célébration au Café du Croissant, là où Jaurès a été assassiné par Raoul Villain. Elle est plus ou moins unitaire, mais il est salué. 

Mais nous sommes l'un des rares endroits en France où, chaque année, nous tenons, les socialistes - et je salue les amis communistes et écologistes qui sont là, merci - nous tenons une cérémonie le 31 juillet dans la torpeur de l'été entre le chasse-et-croisé des juilletistes et des aoûtiens, une cérémonie à la mémoire de Jean Jaurès, ici, à Montpellier.

Nous tenons cette célébration, quelles que soient les circonstances politiques, au moment où les socialistes étaient très forts, au moment où ils étaient dans la difficulté électorale. 

D'ailleurs, je me souviens, il y a 30 ans, en 1995, Georges Frêche venait d'être réélu Maire. La gauche, qui était donnée perdante à l'élection présidentielle et incapable de se qualifier au premier tour, voyait Lionel Jospin arriver en tête puis obtenir 47% des suffrages créant l'espoir de 1997. 

Chère Claude, je ne sais pas si tu te souviens, mais le même jour, il y avait la cérémonie d’hommage à Jean Jaurès et le concert de Mick Jagger à Grammont. Et nous avions fait les deux. 

Nous avions fait les deux parce que nous étions fidèles à l'histoire et en même temps tellement heureux que Montpellier accueille cet immense groupe. Et chaque année, nous le tenons. Nous le faisons parce que l'histoire de Jaurès est liée à la ville.

Cette statue, il faut s'en souvenir - je le dis chaque année, mais la pédagogie est l’art de la répétition - fut pendant l'occupation détruite, fondue pour que la milice donne des balles à l'armée allemande. 

Et ce fut un acte que de réédifier cette statue parce qu'elle est combat, elle est symbole d'engagement. Et nous, nous nous inscrivons dans les combats jauressiens, dans les combats du socialisme démocratique. 

Les hommes et femmes passent, les idées restent et il faut que chaque génération s'emploie à rallumer les soleils. 

Aujourd'hui, je voudrais d'abord lancer un appel à la paix. Jaurès est mort parce qu'il défendait la paix. Pas dans un pacifisme béat, j'y reviendrai, mais la paix, la paix en Ukraine, la paix au Soudan et évidemment la paix au Proche-Orient où nous n'en pouvons plus de voir ces images atroces de familles israéliennes qui pleurent les otages, de civils gazaouis tués et qui n'ont pas d'espoir. 

Nous nous disons, il faut trouver un chemin à la paix. Il est toujours plus difficile que celui de la guerre. Nous en avons ici, sur le sol de France, payé le prix. 

Il sort en ce moment une vidéo sur les réseaux sociaux issues de l'INA qui rappelle la parole du président socialiste François Mitterrand en 1982 devant la Knesset, devant les parlementaires israéliens, appelant à la solution à deux États, reconnaissant la sécurité d'Israël et du futur État Palestinien, avec la nécessité de déposer les armes et de ne pas utiliser le terrorisme, avec la volonté de donner à chaque peuple le droit de vivre. 

Ce message-là, nous devons le porter. Il est indispensable. Mais il est difficile ce message. Il est tellement facile de cultiver les haines, les détestations. Le courage est toujours à la nuance, au dialogue. 

Je veux ici le dire aussi, parce qu'à Montpellier, parfois, nous nous retrouvons au milieu de ces polémiques, que si avec Clare Hart, nous dialoguons avec toutes les villes du monde, c'est parce que précisément partout dans le monde, nous voulons soutenir le camp de la paix. 

C'est pour ça que Montpellier est fier d'avoir un jumelage avec Tibériade et avec Bethléem, pour que les hommes et femmes se parlent. C'est pour ça qu'en ce moment, avec la Région d’Occitanie, nous sommes honorés d'accueillir les enfants dont les pères sont en front pour défendre l'intégrité territoriale à la base nautique de la Grande Motte. 

Vous direz que ce n'est qu'une goutte d'eau, mais c'est l'action, debout face aux événements de l'histoire. Voilà le premier message que je voudrais délivrer en fidélité à Jaurès. 

Mais Jaurès était pacifiste parce qu'il voyait bien ce que la guerre de 1914 allait conduire. L'abîme pour la jeunesse européenne ouvrière qui, des deux côtés des tranchées, verserait son sang. 

Jaurès était lucide. Il a d'ailleurs écrit en sept tomes un ouvrage qui s'appelle « L'armée nouvelle », où il explique à la fin du XIXe siècle les conceptions qui doivent être celles de la France en matière de défense. Et d'ailleurs, il voyait juste, il s'opposait - alors qu'il était un grand défenseur de l'héritage de la Révolution française, dont il a écrit « L'histoire socialiste de la Révolution française » - au modèle des citoyens-soldats, qui était le modèle hérité de la Révolution française. 

Il défendait une conception d'armée de métiers capables de défendre les principes et les valeurs et la souveraineté de notre pays, aux antipodes d'une idée qu'il faudrait donner comme seul dessein à la jeunesse de la maîtrise du service des armes comme ça, elle serait encadrée et ça ferait la défense nationale.

Je crois que sa vision est courageuse et que certains dirigeants qui, de temps en temps, font un tweet en essayant de s'acheter une virginité jauressienne en disant « On rend hommage à Jaurès, rétablissons le SNU », en nous expliquent que la jeunesse doit absolument retrouver un goût du service militaire, devraient s’en inspirer. 

Il faut soutenir nos armées, il faut qu'elles soient professionnalisées, il faut que nos soldats soient bien équipés, qu'ils soient bien payés. C'est cela l'effort de défense.

Je veux le dire parce que je suis frappé depuis 2017 que le seul projet qu'on ait donné à la jeunesse de France, c'est Parcoursup et ses algorithmes qui stressent toutes les familles, et c'est de faire croire qu'en faisant le SNU, on réglerait les problèmes des gens. 

Chère Clare Hart, nous le savons, permettons à la jeunesse de voyager en Europe, permettons-lui de découvrir, de soutenir nos universités dans ses mouvements, tous ses voyages scolaires.

Voilà un chemin que nous pourrions donner à la jeunesse. Je voudrais le dire aussi, il faut que les socialistes n'aient pas peur de se préparer au combat futur. Il ne faut pas aller au combat futur pour nous, il le faut pour les gens qui voient leur dignité abîmée. 

Depuis 2017, nous avions promis un nouveau monde, et bien le bilan du Nouveau Monde arrive. Celui d'une France qui écrit « Fraternité, Égalité, Liberté » sur le fronton de ses Mairies, et bien cette France a vu les inégalités s'amplifier de manière inédite, alors que le mouvement de réduction était à l'œuvre. Et bien, il nous faut ardemment travailler. 

Dans les circonstances financières que traverse notre pays, si tout le monde peut entendre qu'il faut faire un effort, celui-ci doit être habité par l'esprit de justice. Ce ne sont pas les retraités avec les plus petites pensions, les allocataires de AAH, ou les familles qui peinent à vivre de leur travail, qui doivent être d'abord mises à contribution. 

Ce sont bien ces fortunes qui semblent se déployer de manière arrogante, qui maintenant, avec les moyens financiers qui sont les leurs, s'efforcent de s'accaparer les groupes de presse, qui s'efforcent d'opérer un certain nombre de concentrations, et dont à un moment donné la puissance arrogante de l'argent menacera nos libertés.

Je le dis ici comme un point de vigilance. Cher Hussein, je te sais très engagé dans la défense du service public de radio et de télévision. Nous voyons bien ce qui se joue. D'ailleurs, si vous ne le voyez pas, il suffit de regarder les chaînes dont un certain Monsieur Bolloré a pris le contrôle, et de voir le projet idéologique qu'elles portent. 

Ici, nous sommes devant un homme, Jean Jaurès, qui a pensé le monde, qui a vu les grandes idées du monde. 

Il existe aujourd'hui dans notre société, dans nos démocraties, un projet réactionnaire, conservateur, de repli sur soi. Il nous faut ici nous réaffirmer et opposer un récit alternatif, puissant. 

Alors, comment faire, tant nous sentons que la tâche nous apparaît immense ? Il faut prendre appui sur ce que nous faisons, ce que nous prouvons.

Ici, à Pézenas, là, à Montpellier, je veux saluer chère Patricia Martin, le travail fait par Michel Arrouy et maintenant Loïc Linarès dont le territoire est le théâtre d’un débat sur la régie publique de l'eau. Voilà un beau sujet, et bien il faut prendre exemple sur ce que nous essayons de faire.

Je ne dis pas qu'il faut additionner les territoires, ça ne marche pas. En revanche il faut prendre exemple sur la manière dont nos idéaux de justice sociale deviennent des réalités.

Ici, nous défendons partout une forte ambition pour l'éducation, pour la petite enfance avec les crèches, évidemment, à Montpellier, autour de la gratuité des transports, mais aussi en n'abandonnant jamais cette idée que la République doit être sociale. 

Regardez à la Devèze les tragédies qui se déroulent en ce moment, où les forces de sécurité sont prises à partie de manière scandaleuse et où la loi du plus fort semble triompher, où nous avons vu des événements inquiétants. 

Je veux le dire ici, exprimer ma solidarité à tous ceux qui s'engagent pour rétablir l'ordre républicain. Mais si vous ne prenez pas soin des quartiers populaires, bien alors les forces du narcotrafic s'en emparent. 

C'est pour ça que j’ai été très touché tout à l'heure quand j'ai rencontré un Monsieur qui travaille en intérim dans le parking et qui m'a dit « Monsieur le Maire, c'est très bien ce que vous faites à la Paillade ». 

Nous ne lâchons pas les habitants qui sont en situation de fragilité sociale. Nous rénovons, nous transformons. Nous prenons le chemin le plus dur, pas celui du tweet qui dure deux minutes. 

Nous choisissons le chemin de celui qui peut durer près d'une décennie et nous donnons un cap. Ce cap, c'est un chemin. C'est un chemin où on se dit « mais demain pourrait être meilleur qu'aujourd'hui » mais sans promettre la lune. En disant que ça va être difficile, oui c'est des travaux, oui c'est des moyens, oui c'est des équipes qui doivent se mobiliser. 

Mais la République ne doit pas être incantatoire. Elle doit être en permanence illustrée. Elle doit être en permanence prouvée. Sinon, la confiance qui existe entre nos concitoyens et l'idée républicaine est altérée. 

Et c'est d'ailleurs la grande leçon de Jaurès qui, quand il défendait les mineurs, allait les haranguer, allait les soutenir lors des grèves, lors des combats. Et il leur parlait en Occitan. Il se mettait à leur niveau pour qu'ils soient compris et emmenés. 

Jaurès n'était pas un ministre. Jaurès n'était pas un exécutif. Jaurès était un parlementaire. Il avait une plume et il avait l'éloquence. Et il la mettait au service de ses combats. Il ne restait pas à la chambre ou en chambre, mais il était auprès de ceux qui se levaient et qui se battaient pour leur dignité. C'est cela qui doit nous inspirer. 

Alors, je vous le dis avec beaucoup de force, cet hommage est un rituel et l'occasion de se retrouver, de partager la fraternité militante, d'évoquer les combats, d'évoquer les engagements, de continuer à faire.

Ce rendez-vous, j'ai envie de dire, tous les hommes et femmes de gauche en France devraient faire pareil. C'est important d'avoir des repères.

Tout à l'heure, je vous faisais allusion à 1995, Georges Frêche, Mick Jagger et Jaurès. Moi, j'avais 18 ans. Et bien, ce type de cérémonie, ça m'a construit, ça m'a aidé, ça m'a donné des repères.

Je voudrais m'adresser à la jeune génération qui est présente dans cette assemblée. Je voudrais la remercier de son engagement. Je vois ici la représentante d'un syndicat étudiant qui s'efforce de porter un projet pour la jeunesse de dignité autour des enjeux de logement, de culture, de pratique sportive, d'accès de tous aux études supérieures et les conditions de réussite. Merci à vous. 

Jaurès, c'est un flambeau que nous transmettons de génération en génération. Ce sont des idées que nous portons. Nos personnes sont peu à côté de la grandeur de ces idées. Et nous, nous devons en être dignes, à notre manière, par nos actes, nos comportements et nos postures.

Nous devons faire honneur au grand combat de Jaurès. Et ce sera ma conclusion. 

Il a fait faire un tournant au mouvement socialiste français. Il a dit que ce n'est pas par la violence que nous imposerons nos idées de justice. C'est en empruntant la démocratie que nous les ferons triompher.

Il a choisi de dire aux socialistes « Présentez-vous aux élections, défendez vos idées, argumentez dans le débat démocratique. Et le jour où vous serez vainqueurs, vous pourrez changer l'ordre naturel des choses, combattre la loi du plus fort, édifier des règles qui protègent et qui garantissent les libertés et la dignité de chacun ». 

Ce choix est un choix majeur dans lequel nous devons continuer à nous inscrire, dans lequel nous devons récuser les outrances, utiliser des mots justes pour convaincre, ne jamais s'égarer.

Ainsi est la leçon de Jaurès, la leçon inspirante du grand Jaurès. N'oublions jamais que c'est une balle venue de l'extrême droite qui l'a tuée, celle de Raoul Villain, qui était un nationaliste et donc pour la guerre. Le nationalisme, c'est la guerre.

Cette balle l'a tuée, Jaurès. N'oubliez pas qu'au lendemain de la Grande Guerre, il y a eu un procès pour Raoul Villain, et que la justice était une justice de classe, qui était au service d'un pouvoir, et que Raoul Villain, malgré l'assassinat, fut acquitté. 

Les idées réactionnaires, les idées de l'extrême droite, peuvent s'affirmer au grand jour, comme nous le voyons parfois sur certains médias, à nous d'être vigilants, à nous d'être exigeants, à nous d'être dignes et capables de continuer à tracer un chemin d'espoir.

Beaucoup de nos concitoyens s'inquiètent de la perspective de 2027 et de ce que pourrait devenir notre pays quand on voit ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique, ou avant-hier en Angleterre au temps du Brexit et de Boris Johnson, ou actuellement en Italie. 

Et bien là, nous avons un devoir exigeant de travail et de conviction pour empêcher ce qui apparaît comme un scénario du pire, mais qui malheureusement nous semble devenir de plus en plus probable. 

À nous, cher Armand, à nous, à Frontignan, à nous, au Département, à nous, à la Région, de donner des points de repère qui peuvent être des éléments de force.

Vive le socialisme démocratique, vive la République sociale, vive la France. 

Merci.

 

Illustration : image libre de droit