La laicité, c'est l'esprit de concorde. Hommage à Dominique Bernard et inauguration du parvis à son nom

Le Maire prononçant son discours au parvis Dominique Bernard

Discours dans le cadre de l’Inauguration du parvis Dominique Bernard au collège Port Marianne 

Public visé : Grand public Parvis Dominique Bernard au collège Port Marianne 9 décembre 2024

 

Madame la rectrice, très chère Sophie Béjean, merci d'être à nos côtés. 

Chère Karine Wisniewski qui représente ici le département, 

Chers collègues Maires, élus des conseils municipaux, du conseil municipal de la ville de Montpellier, 

Madame la Députée, chère Fanny Dombre-Coste, 

Monsieur le principal, Messieurs et Mesdames les professeurs, chers élèves, merci de nous avoir accueillis en chanson. On écrit sur les murs. 

Je voudrais m'adresser plus particulièrement à vous, à cet instant, très chers collègues, Aurélie, vous remercier d'avoir trouvé la force des mots, Aragon, la Rose et le Réséda, quoi de plus beau.

Merci, nous étions ensemble dans mon bureau, il y a quelques mois, quand je vous ai fait part, ainsi qu'à votre maman, Mélissandre. Je viendrai à vous de cette décision. Merci d'accompagner cette famille. Merci de prendre la parole. Merci de continuer à enseigner. Cela dit beaucoup de choses.

Très chère Mélissandre, je suis très honoré que vous ayez accepté de nous rejoindre, quittant la capitale des Gaules pour la capitale du département de l'Hérault. Merci de vos mots, ceux de votre mère, auxquels je veux dire à cet instant, comme à vous, mon admiration. 

Il y a des inaugurations de parvis plus simples que d'autres. Et si nous, nous sommes émus, nous sommes admiratifs du courage qu'est le vôtre de prendre la parole, de répondre aux sollicitations nombreuses, celle de la ville d'Arras, naturellement, celles d'autres municipalités qui ont fait aussi ce choix d'honorer Dominique Bernard. Nous voulons aussi continuer à vous transmettre, avec beaucoup d'humilité, de la force. La force dans le deuil, la force dans l'absence, et la force dans ce qui vous attend, le procès, qui sera si important pour vous, comme pour l'ensemble de la société.

Votre mère m'avait fait une demande toute particulière, et j'espère que sa demande est convenablement honorée. “Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde”, disait Camus, et nous avons voulu bien nommer chaque fait. Chère Mélissandre, votre père était un des nôtres, un professeur, professeur agrégé, professeur de lettres.

De votre témoignage et de ceux que nous avons entendus, il aimait autant les auteurs de la littérature et de la poésie que ses élèves. Il avait la passion de transmettre, de faire partager l'immensité de la littérature. Il était attaché à ses élèves.

Il allait juste faire son travail, ce si beau travail, lui aussi franchissant un parvis, ouvrant la porte de son établissement dans les rituels qui sont si familiers des enseignants. Et là, l'indicible se produit. L'indicible se produit comme il s'est produit trois ans auparavant pour Samuel Paty, où vous avez eu la force aussi d'associer la mémoire.

Un individu de vingt ans, qui a bénéficié de tout ce que pouvait la République donner, s'est dressé contre un professeur, contre son professeur, dans la folie la plus atroce, semant la terreur que nous peinons à mesurer, si ce n'est voyant sur nos écrans de téléphone que nous avons, surgir cette information épouvantable. Un professeur attaqué en sang par un terroriste islamique dans la cour d'un lycée. Nous savons que cet établissement a perdu un collègue, un autre blessé des personnels administratifs.

Très vite, une ville s'est levée, et je veux saluer les habitants d'Arras, qui étaient nombreux le dimanche autour de la mémoire, entre stupeur, effroi, mais volonté de se tenir debout. Le jour où les villes ne se lèveront plus quand on arrachera à un d'entre nous, à la vie, ce sera très mauvais signe. À cet instant, je voudrais adresser de manière républicaine et fraternelle mes mots à son maire, Frédéric Leturque, et à travers lui, à tous les habitants d'Arras.

Ce qui s'est produit là-bas nous révolte. Disons-le, vous l'avez dit, nous ne sommes pas n'importe quel pays. Nous sommes celui de Voltaire, celui des Lumières.

Nous sommes le pays qui a inventé la laïcité. Cette valeur si forte et si puissante, affirmée comme un remède face au fanatisme religieux, hier catholique, aujourd'hui islamiste. Cela nous révolte, parce que la laïcité nous permet de vivre ensemble, parce que l'école de la République, écoles primaires, collèges, lycées, nous élèvent et nous font grandir, parce que nous voulons écrire sur les murs, parce que nous voulons écrire sur les cahiers, parce que nous voulons écrire sur les livres.

Je veux vous dire qu'ici, en choisissant ce lieu pour honorer la mémoire de Dominique Bernard, nous ne l'avons pas fait au hasard. Nous avons choisi ce parvis parce qu'il portait le nom de Marianne, parce que ce collège est un nouveau collège, parce qu'ici, un parvis, c'est un lieu qu'on franchit pour apprendre. Avec le conseil municipal que je veux remercier, il est des éléments rassurants, son unanimité, nous avons choisi Dominique Bernard.

Il n'était pas question d'aller ailleurs, dans un autre endroit que dans un lieu en lien avec l'éducation, pour dénommer un professeur. En procédant à cette dénomination aujourd'hui, c'est évidemment un lieu de souvenirs pour vous, qui met un peu de Montpellier dans votre cœur, si lourdement éprouvé. Mais c'est aussi l'engagement de notre ville à se souvenir, à se souvenir de la figure de ce professeur de lettres, comme nous nous sommes souvenus et nous nous souviendrons de Samuel Paty, professeur d'histoire qui porte le nom d'une école, rue de l'Industrie.

Se souvenir de deux professeurs, et à travers eux, adresser un message de soutien indéfectible à la communauté enseignante, en lui disant de ne renoncer à rien dans sa formation à l'esprit critique, aux valeurs qui fondent l'identité même de notre pays, qui sont les garants de nos valeurs démocratiques. Une dénomination, c'est beaucoup et peu, mais c'est de leur dire notre respect et notre soutien. Nous voulons aussi, en choisissant ce lieu, s'adresser à tous les écoliers qui viendront, aujourd'hui, demain et après-demain, parce qu'ils sont eux-mêmes garants de ces principes car vous l'avez très bien dit, au fond, que se passe-t-il dans notre société pour que le fanatisme puisse faire son retour ? Et bien, si évidemment il faut toujours saluer nos forces de sécurité, c'est bien que dans la société, il existe aussi des lâchetés, il existe des renoncements, il existe des sacrifices qui donnent, aux forces de la haine, plus de place. Résolument, Mme la Rectrice, je connais votre engagement, vous connaissez le mien. Cette semaine, outre cette dénomination, j'y reviendrai.

Jeudi soir se tiendra une pièce de Charb. Doit-on vous dire qu'elle revient à Montpellier, mais que dans plein d'endroits en France, certains ont renoncé à lire son texte ? Je veux le dire avec force, à ceux qui ne sont pas courageux, vous ne rendez pas service à la République. Aujourd'hui, nous avons fait cette dénomination, cette cérémonie, dans un jour particulier.

Je me dois aussi de le dire. Le 9 décembre, jour anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l'État. Celui qui consacre pleinement le principe de laïcité. Celui qui assure à l'école publique la neutralité. Celui qui pose que l'État ne reconnaît aucune religion, parce qu'aucune religion n'a vocation à s'imposer sur une autre dans la société, garantir la liberté de conscience.

En choisissant ce 9 décembre, nous répondons modestement, mais résolument, à ce fanatique islamiste, qui a osé profaner l'école, la vie humaine, et qui est rentré, selon les récits qui nous ont été faits, parce qu'il voulait tuer quelqu'un qui enseignait la laïcité. Ce quelqu'un avait un nom, Dominique Bernard. Il avait une famille qui se tient à nos côtés avec immense dignité.

Il avait des collègues. Il avait semé des souvenirs dans tous ses élèves, dans la mémoire et le cœur de tous ses élèves. Aujourd'hui, il n'est plus.

Son nom est là. Et nous, nous avons le devoir d'être là. Car après Samuel Paty, après Dominique Bernard, cette liste doit cesser.

Cette liste doit cesser. Et cela repose beaucoup sur nos épaules. Je sais qu'ici, tous partagent cette conviction, quelles que soient nos sensibilités. Mais il faut que ces moments trouvent un écho plus puissant encore dans la société. Plus puissant encore dans la société. Rien n'arrive par hasard.

La laïcité n'est pas venue par hasard. Elle fut engagement. Les tragédies, les victimes du terrorisme islamique qui ont fait résurgence, ne sont pas aussi venues par hasard.

Mesdames et Messieurs, ce nom de parvis ici, chacun à sa tâche, chacun dans sa mission, nous oblige. 

À vous, professeurs. À nous, élus de la République.

À vous, Madame la rectrice représentante de l'État. À vous, chers citoyens. Quant à vous, chères familles, chers amis, comptez sur nous.

Ce que m'a dit votre mère, il m'a fallu du temps pour m'en remettre. Mais ça m'habite à chaque instant. Transmettez-lui mon infini respect et témoignez-lui de l'engagement d'une ville toute entière.

Merci.