
Bonjour à tous et à toutes. Merci de votre présence. Je veux évidemment saluer Madame la Vice-Présidente de la Région, remercier les élus du conseil régional qui nous soutiennent. Ils sont parfois dans un hémicycle où des personnes combattent l'idée même de culture. Certains qui viennent d'ailleurs ne connaissent pas ce qu'est cette transformation politique dans le sud de la France qui est un réel combat, donc merci.
Merci Madame la Présidente du CNL. Vous ne pouvez pas savoir ce que ça veut dire pour nous qui sommes ici, au sud du pays, que vous soyez là pour cet événement. Beaucoup de choses se passent à Paris et c'est normal, c'est la capitale de notre pays, c'est la ville lumière et c'est essentiel. Mais ici, depuis 40 ans, de manière pionnière, besogneuse, nous avons voulu donner une place à la culture et je peux vous dire que vos mots nous touchent, nous rendent fiers et ils sont précieux.
Je veux saluer évidemment la représentante du Département et avoir un mot tout particulier pour toi, mon cher Régis Penalva. Je l'ai dit en ouverture, puisque c'est la comédie du livre 10 jours en mai, mais merci à toi, de ta gentillesse, de ton professionnalisme, de ta grande mobilisation personnelle pour réussir cette grande fête du livre, qui a aujourd'hui 40 ans. Ça y est, je suis plus âgé qu'une manifestation de Montpellier, ça c'est pour ceux qui m'appellent encore le jeune maire.
Je voudrais dire à Mia Romero et à Claudine Frêche, que je veux saluer avec beaucoup de tendresse, à Claude Cougnenc, président de l'association des amis de Georges Frêche ; combien votre choix de cette rencontre sur la place de la comédie a été très juste. C’était très puissant de dire : sur la place qui venait de se piétoniser, on va proposer aux libraires - qui sont ces acteurs majeurs du livre entre les auteurs, les éditeurs et les lecteurs - un moment de rencontre dans ce lieu. Je veux aussi remercier Fanette Debernard et Jean-Marie Sevestre qui ont tant fait et tant accompagné. Le fait d’occuper l'espace public et de dire que le libraire doit être au centre a donné naissance à ces 40 éditions successives qui n'ont cessé de croitre, et de se maintenir afin de devenir un rendez-vous familier dans l'imaginaire des Montpelliérains et des Montpelliéraines – et bien sûr au-delà, car on vient à Montpellier pour la Comédie du livre. Jean Birnbaum, le directeur du Monde des Livres, nous confiait que cela avait contribué ardemment à consacrer l'édition du jour à Montpellier. Je veux vraiment saluer ce choix.
J’aimerai également saluer Philippe Lapousterle, qui a été aussi un des très grands programmateurs de la comédie du livre et qui, à un moment donné des grandes controverses, des débats de la société. Je veux saluer la mémoire de Jean-François Kahn qui nous a quittés ainsi qu’évoquer la mémoire ces figures familières de notre vie culturelle, Frédéric Jacques Temple, Jean Joubert, ou encore Madeleine Attal, qui ont été fidèles, et qui ne sont pas de ce monde, mais qui, de là où ils sont, regardent et se disent « c'est bien, ça continue ». C'est important de continuer.
Parfois, on se dit : comment on peut faire plus ? C'est peut-être pas à cette question qu'on doit répondre, c'est comment continuer à faire. Parce qu'aujourd'hui, dans le monde, cette citation qu'on prête à Camus, « Agir pour faire en sorte que le monde ne se défasse pas », c'est sans doute plus que jamais la responsabilité de notre génération.
Regardez comme ça va mal, comment le populisme, la révolution des écrans sont en train de conduire à des transformations très préoccupantes pour nos démocraties et pour l'idée même de culture. On pourrait parler beaucoup de cela. Il faut tenir. Il faut aussi évoquer, les contraintes financières. Nous sommes, par la décentralisation, des militants de la culture. C’est ce qu'a été Georges Frêche en tant que maire emblématique de Montpellier et nous voulons continuer.
Je veux saluer mon ami René Revol mais aussi Joël Raymond, Éric Penso, Agnès Robin, beaucoup d'élus et je veux leur dire « on va tenir » coûte que coûte pour le budget de la culture. Notre exécutif doit être celui qui dit « on sanctuarise le budget de la culture », parce qu'il faut qu'on fasse des efforts ailleurs pour tenir sur ce qui est essentiel. Nous l'avons fait, et merci de votre vote.
Tout le monde n'a pas soutenu ces budgets et ces choix éminemment politiques, avec un grand P. Et moi, je m'adresse à vous, mes chers concitoyens, mes chères concitoyennes, demandez aux candidats, quand ils viennent sur les marchés ce qu'ils veulent faire pour la culture. Ça ne peut pas être la cinquième roue d'un carrosse, ou la petite phrase au fin fond d'un programme.
J’ai eu la chance de connaître Georges Frêche et de me pencher sur l'histoire de mon année de naissance, où il a été élu, en 1977. « Changer la ville pour changer la vie », ainsi était le programme. Ce dernier disait « on va réouvrir l'opéra-comédie, on va mettre du lyrique, on va avoir une politique pour construire des médiathèques, donner accès aux livres… ». Ce sont des ambitions auxquelles il ne faut pas renouveler, au contraire, il faut nous répéter.
Nous le devons. Je l'avais dit il y a deux ans, en évoquant la tragédie du théâtre de Marioupol. Nous le devons en cet instant à Boualem Sansal, qui est prisonnier dans une geôle de l'autre côté de la Méditerranée, et dont le seul crime est d'avoir écrit des livres. Il est venu ici pour présenter, en 2013, rue Darwin, et là, il est en prison.
Pouvons-nous être sereins quand des écrivains de notre pays ou du monde sont en prison ? La semaine dernière, en ouverture magistrale, cher Régis, nous y étions, j’ai accueilli et témoigné du soutien qui est le nôtre à Kamel Daoud. A la question de Jean Birnbaum « comment allez-vous, M. Daoud », 48 heures après un mandat d'arrêt parce qu'il écrit, il a dit « je vais bien, parce que je vois des visages, je reçois des applaudissements, et je me sens soutenu ».
Défendre les auteurs, c'est défendre la liberté d'expression. Défendre des auteurs, c'est défendre la création. Et donc ici, nous devons passer un grand moment de fête, mais aussi avoir ce message de Montpellier pour le reste du monde, parce que dans le pays de Voltaire, on n’embastille pas ceux qui écrivent des pièces de théâtre ou des livres.
Je vous demande d'applaudir Boualem Sansal et Kamel Daoud. Car c'est sur nos silences que la liberté peut disparaître. C'est pour cela qu'il faut savoir faire du bruit et parler pour défendre nos principes.
Alors maintenant, il est le temps du salon. En 40 ans, que de chemin. Ce qui est extraordinaire, c'est la fidélité à la promesse : l'espace public. Les Trois Grâces n’ont pas été abandonnées, mais sont regardées, elles font d'ailleurs l'objet d'une très belle campagne dans les luttes contre le racisme et l'antisémitisme. Avec cette phrase de Lamartine, « Je suis de la couleur de ceux qu'on persécute. » Combat essentiel.
Et nous nous retrouvons aux pieds de Louis XIV. Lorsqu’on a dit qu'on allait mettre la comédie du livre au Peyrou, tout le monde a dit « surtout pas ». A l’époque, les travaux étaient présents partout donc nous n’avions pas le choix. Finalement, la première année, tout le monde m'a dit « il faut rester là ». Alors, on reste là ; parce qu'on est à l’ombre, parce que cela nous permet notamment d'avoir des coûts de sécurité moins élevés, et donc de pouvoir mettre plus sur le budget culturel, qui est essentiel.
Je t'avoue, mon cher Régis, que je trépigne à l'idée de descendre vers la place Max Rouquette, qui s'est transformée d'un parking en un grand espace public. Durant ces dix jours en mai, j'ai vu plein d'hôtels particuliers ouverts, je veux donc remercier les propriétaires pour ces belles rencontres.
Alors, 40 ans après, elle est maintenant ici au Peyrou, mais surtout, elle a réussi quelque chose d'incroyable : elle a fédéré tous les acteurs du livre. D’abord l'université Paul-Valéry qui joue un rôle déterminant en formant au métier du livre, en enseignant la littérature et en formant des auteurs. Mais aussi, l’éducation nationale. Tout à l'heure, des enfants me racontaient le livre qu'ils ont écrit dans les mystères de Montpellier. Et je leur disais « dites que vous avez écrit un livre, parce qu'autour de vous, il n'y aura pas grand monde qui pourra se vanter de cela ». Il y a le florilège littéraire, bien sûr, mais aussi les maisons d’édition, les éditeurs — notamment ceux implantés en région — car publier des livres, aujourd’hui, c’est aussi mener un combat car plus on a d'éditeurs, plus on garantit la diversité des écrits. Ce sont des médiateurs.
Il y a tout un écosystème de nos médiathèques, notamment la médiathèque départementale, dont je veux saluer le rôle. Je veux rassurer les habitants du quartier de la Mosson : la médiathèque Rousseau est fermée pour travaux, mais elle sera reconstruite dans un équipement très novateur, Madame la Présidente du CNL.
Donc, tout a été fédéré. En 40 ans, la comédie du livre a tracé son sillon. Toutes les énergies se sont mises autour pour défendre cette grande cause du livre, évidemment, de la lecture, en gardant au cœur les libraires. Le festival est gratuit pour nous permettre d'acheter des livres, pour faire vivre la chaîne du livre.
Vous pouvez m’aider à dire aux gens, venez chez le libraire plutôt que sur une plateforme en ligne ; ainsi, vous aidez davantage les commerces de proximité qui font du lien. Mais d'ailleurs, c’est positif et formidable puisqu’à Montpellier et dans la métropole, il y a des libraires qui s’ouvrent ce qui est un bon signe.
Cela veut dire, mesdames et messieurs, chers Régis et tous, que nous ne travaillons pas pour rien tout comme ceux qui organisent ces rencontres. Je veux évidemment saluer tous les libraires.
Ce sera ma conclusion ; bien sûr il faut soutenir le livre, soutenir la lecture. Mais quand on écoute l'actualité en ce moment le monde est dur et ne va pas chercher le meilleur des imaginaires. Le pouvoir de la littérature est d'aller chercher ces imaginaires. Elle permet de nous questionner, nous réinterroger, d'élargir notre champ. On a aussi besoin de cela pour aller trouver d'autres imaginaires, pour entrer dans l'univers d'un auteur ou d'une autrice qui nous invite, avec son style, ses choix, ses mots, son vocabulaire, sa force, à ouvrir nos imaginaires.
C'est pour cela qu'il faut faire grandir un peuple, celui des bibliothèques. C'est à la comédie du livre que se passe cette rencontre. Ce peuple, il est riche d'un universel. Tous les auteurs et autrices que nous sommes très heureux d'accueillir grâce à toi et toute l'équipe de la comédie du livre, cher Régis. Alors, en 40 ans, il y a des fondations très solides, et vous avez bien compris, on a très envie de continuer. Et ça, cela dépend de notre mobilisation collective, parce qu'effectivement, la culture, c'est un choix démocratique.
Montrez-moi la place que vous donnez aux livres, je vous dirai quelle ville vous êtes. A Montpellier, les livres, ils sont chez eux. Vive la comédie du livre !