« L'IA est un sujet qui concerne l'ensemble du pays, et l'ensemble des citoyens du monde »

Michaël Delafosse lors des échanges à l’occasion de la première réunion de la Convention citoyenne locale sur l’intelligence artificielle

Intervention prononcée par Michaël Delafosse, maire de Montpellier, Président de Montpellier Méditerranée Métropole à l’occasion de la première réunion de la Convention citoyenne locale sur l’intelligence artificielle.

Montpellier, Hôtel de Métropole, Salle du Conseil, le 10 novembre 2023

« Merci beaucoup cher Cédric Villani, merci de votre implication à nos côtés. Je veux, pour conclure et de manière rapide, d'abord vous remercier d'avoir accepté d'être là, parce qu'on pourrait faire autre chose, en fait, un vendredi soir, un samedi.

Donc d'accepter d'être à nos côtés pour une aventure, d'ordre démocratique, il a été fait référence à la Convention citoyenne pour le climat, qui est un exercice inédit dans sa forme, dans notre démocratie. Avec ses résultats, ça nous permet maintenant, en tant que citoyens, de juger la sincérité des engagements pris ou pas, ou de la capacité à argumenter sur pourquoi ce qui était proposé n'est pas pris.

Parce qu'ici, nous votons les choses qui sont le fruit des campagnes électorales où on a formulé des engagements. Il faut les tenir.

Et puis, il y a des objets qui surgissent comme ça au milieu de votre action publique. Nous, ça a été l'intelligence artificielle.

Je veux le dire de manière très tranquille. Vous vous promenez dans Montpellier, dans les gares, et on voit les Unes, le Point, l'Express, l'IA, les emplois supprimés. On est en veille de ça et c'est un peu vertigineux, les titres de journaux, tant ça peut faire peur.

Et bien, nous, il faut qu'on prenne le sujet. Parce que nous, on produit des millions de données à la seconde, le nombre d'usagers dans les transports, les données que les citoyens nous donnent quand ils s'inscrivent sur les listes électorales pour leurs pièces d'identité, la levée de l'impôt et les données fiscales qui sont certes protégées par la CNIL et le RGPD, mais nous sommes dessus et tout ça, ça existe et peut être utilisé demain par l'IA.

Et donc, nous, on s'est dit, et je veux le dire comme ça : « est-ce qu'on laisse comme d'habitude le sujet aux techniciens, à la technique, aux sachants ou est-ce qu'on ne va pas chercher à élargir notre respect avec une discussion collective, une délibération collective en étant formés et en essayant de s'emparer de ces enjeux ? » Et c'est le sens de cette convention citoyenne. Voilà comment on y arrive.

Moi, quand on a lancé ce projet, je me suis dit, qu’en fait, ce n'était pas à nous de le faire. C'est au Président de la République.

Parce qu'au fond, l'IA, c'est un sujet qui concerne l'ensemble du pays, l'ensemble des citoyens dans d'autres endroits du monde. Bon, il ne l'a pas fait et il faut dire qu'il a beaucoup de travail sur beaucoup de sujets. Mais nous, on a pris le point, comme on le dit, et on l'annonce.

Alors, moi, je voudrais m'autoriser à une anecdote qui est ma propre rencontre avec l'IA : Il existe une start-up à Paris qui s'appelle Askmona, qui est venue s'exprime au café de la panacée sur l'IA et culture dans le cadre de notre candidature pour être capitale européenne de la culture. Et donc, il y a trois semaines, à Paris, on me montre un QR code au dos d'un pin's qui représente François 1er. Et moi, qui suis professeur d'histoire-géographie, j'ai une forme de familiarité avec François 1er, qui est enseigné en cinquième dans des termes très faciles. Et donc, je scanne le QR code et là « Bonjour, je suis François 1er, posez-moi votre question ».

Et là, c'est la battle entre le professeur d'histoire et François 1er IA. Et je lui dis « qui est le plus fort entre Charles Quint et François 1er ? » En 1520, à Chambord se tient l'entrevue appelée du camp du Drador. Et il y a une rencontre au sommet entre les deux. Et François 1er me répond, « Assurément, Charles Quint est le souverain le plus puissant parce qu'il a le plus vaste territoire, roi d'Espagne, de Hollande et du Nouveau Monde. Mais, moi, avec mon royaume et les relations avec l'Italie, ouverts sur le monde je pense être meilleur », et là, je suis impressionné par la capacité d'argumentation de François 1er. Je me dis, je vais continuer la discussion : « Que penses-tu de l'édit de Villers-Cotterêts ? » C'est-à-dire, finalement, dire à tous les ploucs qui parlaient une autre langue, la langue d'oc, ici, mais ailleurs. Et donc, il me dit, et là, il répond avec beaucoup de nuance, en disant, « j'ai voulu unifier la langue administrative, mais en mon Royaume, il existait des langues régionales » etc. Je suis avec deux, trois personnes, je suis littéralement stupéfait.

Et je me dis, bon, très bien, on va faire appel à cette société pour qu'il y ait des QR code pour que, nous puissions parler avec les Trois Grâces, avec la Maison pour tous Voltaire, et je me dis, on va élever le niveau de culture générale des habitants et on va faire une valorisation patrimoine. Premier chemin.

Le premier chemin c’est ce que j’ai pensé en tant que Maire, puis le deuxième chemin, en tant que professeur d’histoire, je me suis dit, comment je vais faire ? Comment je vais faire ? Parce que les élèves, ils vont faire copier-coller des discussions avec François 1er, comme ils font avec Wikipédia, où ils nous racontent la soeur de machin, la date de naissance. Je dis souvent aux élèves, il vaut mieux une tête bien faite qu’une tête trop pleine, comme tous les professeurs.

Mais quand même, ça nous met un sacré défi. Et c'est là où je rejoins Cédric Villani. Par exemple, moi, en tant que Maire et Président de la Métropole, je vous attends beaucoup sur « savoir-faire et formation ». Parce que les agents de nos médiathèques, le périscolaire que nous donnons aux enfants, que nous payons pour les enfants, sur ces sujets-là, vont être sans doute majeurs. Parce que ça va arriver.

Comment on fait ? Qu'est-ce qu'on dit ? C'est juste mon anecdote. Dans mon emploi du temps, je ne suis pas consacré comme vous, mais je veux prendre ce cas très concret pour vous montrer l'ampleur des enjeux qui nous attendent. Et en fait, ce que nous faisons, ce à quoi vous avez accepté de participer, pour lequel vraiment je veux vous remercier, c'est illustrer une vieille maxime qu'on apprend aussi aux élèves. Et qui est très importante :

« Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. » Il y a une technologie, l’IA, mais il doit y avoir une conscience de l'Humanité, de nous, sur ce sujet, et donc, il faut qu'on prenne du temps avec les questionnements, avec les controverses, avec les doutes, avec les hiérarchisations de priorité, avec les points divergents, qui ne sont jamais des oppositions, mais qui permettent d'éclairer les décisions. Et nous, et j'en prends ici l'engagement très solennel en conclusion, vos propositions, vos préconisations, vos réflexions vont nous aider. Et elles seront discutées par les élus, pour qu'ils puissent faire des bons choix.

Et il y aura une délibération cadre, qui reprendra un certain nombre d'éléments, et qui argumentera sur pourquoi elle ne reprend pas d'autres éléments. Et je vais vous dire une chose, enfin, et je vais quitter l'intelligence artificielle.

Mais vous êtes aussi un pari. C'est la première convention citoyenne sur l’IA qui se tient à Montpellier. Et donc, si l'expérience s'avère concluante, je sais qu'elle le sera, elle sera donc une invitation à la reproduire sur d'autres sujets.

Parce que c'est aussi un moyen de participer, mais à la vitalité démocratique. La vitalité démocratique, c'est d'abord des élus sérieux, qui respectent leurs promesses. J'en discuterai à volonté avec vous.

C'est évidemment les réunions de concertation, c'est le dialogue avec le tissu associatif, souvent insuffisant, il faut toujours approfondir. Le dialogue avec la société civile, on a un conseil de développement, enfin il y a beaucoup de choses, je reconnais ici des figures qui sont déjà engagées dans la vie de Montpellier. Mais là, on vient sur un nouveau dispositif pour le territoire, celui de la Convention citoyenne.

Et demain, il y aura d'autres sujets qui n'ont pas été délibérés dans les campagnes électorales, qui sont des temps démocratiques très importants de respiration, en tout cas moi je les lis comme tel. Mais ça peut être un moyen aussi, si on y arrive, je n'en doute pas, aussi de renouer un peu sur la confiance dans la démocratie. Et ça c'est aussi très important.

Donc nous avons besoin de vous sur les enjeux de l'IA, sur notre territoire, mais aussi de cette première Convention citoyenne soit forme de démonstrateur, qu'il y a bien aussi un chemin possible. Et vous voyez, la démocratie ce n'est pas qu'un élu, ou des élus, et des élus ici, c'est des citoyens, c'est une expertise, et des chercheurs qui sont là, et des élus qui arrivent à nourrir ensemble des choix qui sont l'expression de l'intérêt général ou qui nous permettent de relever les défis.

Voilà, j'étais un peu long et je vous prie de m'en excuser, mais je veux vraiment vous remercier, et il me tarde de pouvoir lire le rapport de la première Convention citoyenne dans la métropole de Montpellier, consacrée sur un thème indéfinissable, l'intelligence artificielle. Je vous remercie. »

Seul le prononcé fait foi.