
Discours prononcé à l'occasion de l'ouverture du Parc Robinson Crusoé - et du dispositif "les enfants dehors" - 09 Juillet 2025
Bonjour à tous et à toutes, je vais évidemment associer ma prise de parole à Nicole Marin-Khoury qui est élue du quartier, je vais y venir, Madame Houguet en charge de la vie associative et Stéphane Jouault qui est en charge de la nature en ville et avec qui nous discutons beaucoup du sujet des airs de jeu.
Je suis comme un enfant là, vraiment, vous avez fait un truc incroyable. Ça fait longtemps, je trépigne de venir parce que de temps en temps sur les réseaux sociaux, on scrute, on voit des parents qui racontent ce qu'il se passe, les enfants dehors, quartier d’Ovalie, Robinson Crusoé, mais quand je suis arrivé, je me dis mais il est génial ce toboggan, j'ai dit à Stéphane, il nous faut le même à tel endroit.
Voilà, on sent que vous avez réussi à lever des montagnes. Merci des mots pour Madame Dombre-Coste, pour les équipes de la ville qui se sont énormément appliquées, que je veux saluer.
Moi, je vais vous raconter comment on fait des airs de jeu en France. Et je le raconte dans un cours où je suis invité à l'IPAG qui forme les futurs administrateurs territoriaux. Et j'en dis, quand vous êtes le Maire d'une ville, on fait tout pour vous empêcher d'aller en prison parce qu'il y a des réglementations. De toute façon, maintenant que vous êtes élus, tout est judiciarisé et il y a un moment, voilà.
Mais à la fin, on a des airs de jeu. À Montpellier, c'était ça, alors que Madame Chamayou et toutes les équipes ne le prennent pas mal parce qu'elles sont formidables. Mais on mettait un petit enclos et on met un cheval à ressort. Mais enfin, quelle pauvreté pour l'imagination des enfants. Et ça, on le fait parce qu'évidemment, il faut empêcher l'accident, il faut empêcher. On le fait plus.
Et donc nous, on a voulu travailler sur ce sujet-là, bien sûr sur les aires de jeu, mais vous l'avez relevé, c'est quoi la place des enfants dans la ville et c'est quoi la place des enfants dans la société. Où sont les enfants ? Et d'ailleurs, on a constaté que les enfants avaient disparu du chemin de l'école. On a vu que les enfants avaient disparu de l'espace public. On a vu que les enfants, il y a même des endroits où on met des panneaux « no kids ». Mais qu'on mette « no kids » sur des choses interdites aux moins de 18 ans, je le comprends. Mais là, il ne faut pas qu'on ait les enfants. Mais qu'est-ce que c'est que cette société qui est incapable de se dire comment on les accompagne, comment on cultive leur imaginaire pour qu'eux-mêmes nourrissent un autre récit.
Et en ce moment, les enfants, on se pose la question et on s'inquiète, à juste titre, parce qu'ils sont très devant les écrans. Et notre société, elle répond et elle dit « ah ben, faut interdire ». Ok, mais donc il faut aussi donner un autre chemin pour les enfants.
Et donc tout ça, c'était un peu fouillis au début dans ma tête. Mais dans les réunions publiques, des fois, je disais, il y a une France d'avant que j'aime beaucoup, c'est la France de Robert Doisneau. Et cette formidable photo où on voit les enfants qui jouent sur un panneau de signalisation, qui gambadent. Et cette France là, elle a disparu.
Mais en Hollande, elle est très présente. Et quand on travaille avec des urbanistes hollandais, souvent, ils viennent avec des idées sur la place des enfants. Et puis, nous, on a rencontré quelqu'un, je vais être un peu long, mais je vais vous le dire.
On a rencontré quelqu'un, ça a commencé pour moi sur Twitter, par Philippe Meirieu, qui est un grand penseur de la pédagogie, très critiqué par les forces extrémistes, et un jour, il fait un petit tweet et il dit, il faut absolument lire « La ville à hauteur d'enfants » par Francesco Tonucci, qui vient enfin d'être traduit en français. Je me rue à la librairie, c'était en 2018, j’etais à l'époque, l'élu aux finances du département de l'Hérault, et chef de l'opposition municipale, je lis ce livre comme une révélation qui montre toutes les villes qui ont pensé les enfants.
Des stratégies pour penser la place des enfants.
Et là, il y a une pensée, et quand je suis élu Maire, je leur ai tous offert ce bouquin. Et je leur dis, il y a même Dombre-Coste avec une grosse dédicace. « Voilà ton job maintenant. » Et donc, on a essayé de faire ça, et on a rencontré Francesco Tonucci. Et Francesco Tonucci, c'est un homme absolument formidable, c'est un chercheur. Alors, je lui raconte l'histoire des aires de jeux, et je lui dis « Voilà, on va en faire des grandes et tout, avec des clôtures, mais comme ça. Il me dit « Teu, teu, teu, mauvaise idée. Il faut créer des espaces où les enfants imaginent leurs jeux. » Et moi, ça, ça m'a beaucoup marqué. Et donc, vous voyez, je vais venir à “les enfants dehors », mais vous voyez l'esplanade, il n'y avait pas de fontaine prévue au départ. Au départ, les urbanistes disaient « On va faire la grande allée centrale, et on va mettre un animal totémique parce qu'on est dans le Département de l'Hérault. » Une sorte de statue. Moi, je n'y croyais pas. Et je dis « Mais faites-moi une fontaine, un truc, voilà. » Et on a fait ça, et aujourd'hui, l'esplanade, c'est le « The place to be », des enfants. C'est l'espace de jeux, c'est l'espace public, et d'ailleurs, tout le monde s'y sent bien.
Et quand vous vous êtes venus nous voir, moi, je me souviens, à plusieurs reprises, j'avais déjà un agenda un peu intense. « Faut qu'on vous parle, Monsieur le Maire, on a un projet de tiers-lieu, etc. » « Oui, oui, on va regarder ça. » Et pour nous, ça a été extraordinaire. Je vais vous le dire, parce que nous, ce parc, qu'on appelait auparavant « Parc de la Providence », je me suis opposé à la vente d'une autre partie à l'époque. Ce parc de la Providence, vous avez dit, on veut s'en emparer. On a plein de parcs. Et des fois, les parcs, bon, on les entretiens, on fait des choses. Il y a quelques bancs, on s'y retrouve. Mais on a du mal à y mettre la vie. Et votre projet, il a été pour nous, Madame Portier s'en est très bien emparée, que je veux saluer, a dit, mais voilà, c'est un tiers-lieu, on fait une convention, et finalement, le parc public, il est habité par des gens qui ont un projet. Et ça, nous, ça nous a emballés.
Et donc, on a bougé notre logiciel. C'est certes la domanialité publique, donc sous l'autorité du Maire, au sens juridique, mais aujourd'hui, on vous a confié les clés du lieu, pour en faire un lieu de vie, avec votre énergie, que je veux saluer. Et voilà, vous en êtes emparé. Et là, vous en avez fait un endroit extraordinaire, dans le quartier d'Ovalie. Un lieu où les familles peuvent venir, d'ici, et bientôt d'ailleurs, parce que le 20 décembre, à 11h, arrive la cinquième ligne de tramway. Et ça a été dur, les travaux, mais on y est, chers gens, le campus est fait. Voilà, c'est gratuit. C'est d'ailleurs aussi pour les familles qu'on a fait la gratuité des transports, parce qu’il y a quand même, dans les 10 millions de nos compatriotes qui sont sous le seuil de pauvreté, il y a des gens qui travaillent, qui ont des enfants, il y a des femmes seules avec enfants, vous avez fait référence aux mamans, il leur faut des lieux. Donc ils vont arriver en tramway, on va venir ici, et c'est “the place to be” pour les enfants. C'est une destination, alors il y a l'esplanade, il y a le zoo du Lunaret, il y a le bois de Montmaur, cher Stéphane, il y a d'autres endroits, mais il y a ici aussi.
Donc nous, on est très contents de cette coopération avec vous. On se disait en aparté avec Stéphane qu'il faut qu'on pense ça dans d'autres endroits, parce qu'il y a plein d'endroits où on pourrait le faire, donc la graine est posée, et on va essayer de voir comment on peut continuer à vous accompagner. Là, vous êtes déjà lauréat d'un projet participatif, et on en est très contents, je crois que c'est très mérité.
Et vous avez raison de mettre la pression, il faut vraiment qu'on devienne la ville family friendly, enfant friendly. Il faut vraiment qu'on soit ce message-là. Ce message d'espoir, parce que qui pense les enfants pense l'avenir. Qui permet aux enfants de jouer pense leur développement. Qui pense les enfants dans le rapport à la culture pense leur émancipation. Qui pense les enfants devant ces parvis aux écoliers que nous faisons pense bien sûr la sécurité mais pense leur imaginaire. Donc on va continuer à travailler ensemble les enfants dehors, parce que c'est un beau programme en fait les enfants dehors, y compris du point de vue de l'urbanisme, pour protéger, vous avez beaucoup fait référence à l'artificialisation des sols, et la semaine prochaine on va voter le PLUi climat, qui protège deux tiers de la métropole, un seul tiers sera artificialisé, mais on peut pas demander aux gens d'habiter dans des immeubles, et pas leur donner des espaces du commun, et des lieux où ils peuvent laisser leurs enfants jouer en sécurité. En tout cas, nous devons le penser.
Je voudrais terminer par deux choses, une chose que j'ai dite hier comme référence, mais avant c'était son anniversaire, hier il a 104 ans, et c'est Edgar Morin. Edgar Morin il a habité rue Jean-Jacques Rousseau à Montpellier pendant 7 ans, et il m'a été donné pour beaucoup d'entre vous aussi de pouvoir échanger avec lui. Edgar Morin il a beaucoup de sagesse, du haut de ses 104 ans, mais il nous appelait à faire à nous, communauté démocratique, communauté des citoyens, à créer des oasis de fraternité. Et bien quand on est là, on voit une oasis de fraternité. C'est vraiment, Edgar Morin, c'est la pensée complexe, comment on gère la crise écologique, comment les enfants, comment on est ensemble, comment on joue du droit, sans le bafouer évidemment, mais pour réussir à faire des choses. Et donc là, je lui enverrai la photo moi, d’une petite oasis de fraternité.
Et puis il y a vous, et je mesure toute l'énergie qui est la vôtre de ce projet, entre ce que vous avez vu en Hollande, se dire on le fait ici. Et tous les obstacles qu'il a fallu lever, vous, vous nous avez rencontrés, mais ça ne suffit pas de lever tous les obstacles.
Mais vous savez, hier on était dans le déménagement de la Cagette. La Cagette, c'est un supermarché coopératif. Pas loin d'ici, il y a un habitat participatif,
MasCobado, ClêmenCité. Au Beaux-Arts, il y a une librairie coopérative, pour sauver le commerce de proximité. Avant-hier, j'étais à Oc’Consigne, le verre, comment on évite de le recycler, comment on le réutilise, sans avoir à le brûler, le fondre, etc. Et nous, on est très heureux avec l'équipe municipale, de dire Montpellier est innovante, par ses citoyens, par ses habitants, qui portent des projets.
Et donc, merci d'aider Montpellier à grandir. C'est une ville très dynamique, Montpellier, mais grâce à ce type de projet, elle grandit en inventant des choses.
Et c'est très important de le faire, parce qu'on est dans un temps du monde difficile. Il ne faut pas se mentir. Il y a aujourd'hui des forces dures qui travaillent. Et hier, en conclusion à la Cagette, j'ai pris la référence d'un historien que je recommande à tout le monde, qui s'appelle Patrick Boucheron, qui est professeur au Collège de France, qui est celui qui a conseillé Thomas Jolly pour faire cette cérémonie d'ouverture des Jeux, qui nous ont tous rendus si fiers d'être français.
Et en 2017, il tenait conférence à Béziers, et on le questionnait sur « qui sera la figure dans les manuels d'histoire au XXIIIe siècle ». Et il a répondu, « Vladimir Poutine ». Ça vous plombe, hein ? Et il disait parce que « Vladimir Poutine, il incarne la dimension autoritaire du monde. »
Et on voit bien qu'aujourd'hui, cette dimension attire. Elle a attiré nos amis britanniques vers le Brexit, nos amis américains vers Donald Trump, nos amis italiens vers Mme Meloni. On voit que beaucoup de gens se tournent vers la tentation autoritaire comme réponse. Ici, nous sommes nombreux, en tout cas la majorité que je représente, de gauche et écologiste, à penser, et beaucoup de citoyens, que c'est une impasse. Mais on sent que ça travaille. Et il a fait, donc c'était un peu déprimant, sa réponse. Mais malheureusement, l'histoire lui donne pour l'instant raison.
Mais il a dit cela. Il a dit, mais le temps est aussi aux lucioles. Les lucioles, c'est tous ceux qui essayent, qui expérimentent, qui créent un autre chemin. Et à un moment, il dit, les lucioles finiront bien par s'assembler et à nourrir un récit alternatif à la tentation autoritaire. Et bien ici, dans le parc Robinson Crusoé, avec ce programme politique extraordinaire qui s'appelle « Les enfants dehors », il y a une très belle luciole qui s'éclaire à Montpellier, qui vient rejoindre la Cagette, qui vient rejoindre plein d'autres forces, et qui nous permet, ensemble, dans cette ville, d'essayer de tracer un chemin d'un futur désirable, conscient de la crise écologique, mais que nous devons relever, conscient que nous avons plus à faire ensemble qu'à nous quereller, et conscience qu'une partie des réponses que nous nous posons pour nous-mêmes se trouve dans le regard espiègle de nos enfants.
Donc, merci à vous, de nous aider, de porter ce chemin, oasis de fraternité, lumineux d'une ville qui se veut à hauteur d'enfants. Donc, nous aurons sans doute, Mesdames et Messieurs, la responsabilité d'être ambassadeurs et ambassadrices de ce lieu dans la ville. D'une part. Mais nous aurons à travailler prochainement pour qu'il y ait d'autres lieux comme ça à Montpellier.
Alors, bravo et merci beaucoup.