Discours d’ouverture de Michaël Delafosse, maire de Montpellier et Président de Montpellier Méditerranée Métropole, prononcé le mardi 24 septembre 2024 à l’occasion du 84e congrès de l’Union sociale pour l’Habitat.
Madame Emmanuelle Cosse, Présidente de l’USH,
Madame la Vice-présidente de la Région Occitanie représentant Carole Delga,
Madame la Directrice de l’ANRU,
Mesdames et Messieurs les membres des OPH,
Mesdames et Messieurs les parlementaires, élus locaux,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les membres du mouvement HLM,
Quelle joie de vous recevoir ici, dans ce qui a été qualifié de “belle ville de Montpellier” !
Il y a 40 ans, se tenait à Montpellier un congrès de l’USH. À ce moment-là, le quartier d’Antigone avec sa place du Nombre d’Or, dessiné par l’architecte catalan Ricardo Bofill, sortait de terre. C’était là que se construisaient les premières résidences sociales sous l’impulsion de mon illustre prédécesseur Georges Frêche, qui affirmait qu’il fallait mettre du logement social au cœur des villes et non plus en périphérie, opérant ainsi une rupture majeure dans la construction et le développement de Montpellier et d’autres villes…
Hier, avec Madame la Directrice générale de l’ANRU, Monsieur le Préfet et Madame la Présidente de l’USH, en préfiguration de ce congrès, nous avons lancé la démolition d’une tour dans un quartier populaire de Montpellier, La Paillade, amorçant une rénovation profonde de ce quartier où la ségrégation et les difficultés se sont accumulées. Là où marchands de sommeil et copropriétés dégradées sévissaient, il a fallu l’énergie du mouvement HLM, des bailleurs publics et du monde coopératif pour nous accompagner.
J’y vois un symbole, naturellement, et surtout une marque du volontarisme qui caractérise Montpellier et sa métropole en faveur du logement social. En effet, je tiens à le dire devant vous – et j’espère être entendu comme d’autres maires : « il faut défendre le logement social ! ».
La loi SRU n’a pas besoin de coups de butoir ; elle a besoin d’être soutenue et affirmée partout sur le territoire de la République. Car partout dans notre pays, le pouvoir d’achat de nos concitoyens est en berne. Il en va de la dignité des personnes. On peut bien sûr demander aux partenaires sociaux de négocier les salaires, mais qui sait combien l’obtention d’un logement social peut changer la vie d’une femme seule avec enfant, d’un retraité ou d’un couple qui peine à joindre les deux bouts ? Le logement social aide à surmonter les difficultés du pouvoir d’achat.
L’égoïsme territorial fait du mal à la solidarité nationale. En vous recevant ici, c’est avec fierté que notre ville, malgré sa croissance démographique de 4 000 nouveaux habitants chaque année, maintient ses objectifs de 25 % de logements sociaux, assumant ainsi sa part de solidarité pour permettre aux hommes et aux femmes de se loger.
Je le dis avec force : les séparatismes existent aussi en matière sociale. Les égoïsmes territoriaux peuvent faire mal. Ici, nous défendons le logement social comme projet de ville. Vous vous promènerez peut-être – je l’espère ! – dans les quartiers de Montpellier. Dans chaque quartier, un tiers de logements sociaux, un tiers de logements libres et, avec notre Office foncier solidaire, nous facilitons l’accession à la propriété.
Nous intégrons le logement social dans une stratégie urbaine fondée sur la mixité. Nous faisons en sorte que le vivre ensemble, ce terme parfois galvaudé, prenne tout son sens, car il est indispensable à la fraternité républicaine. Produire du logement social est indispensable dans un projet de ville.
Nous devons construire une ville en maillant chaque quartier avec une politique volontariste en matière de transport en commun. […] Ici, nous construisons une cinquième ligne de tramway qui va justement desservir les quartiers populaires en souffrance et atténuer le phénomène de relégation lié au manque d’accès aux transports. Par ailleurs, nous avons assumé, au nom du pouvoir d’achat et des enjeux écologiques, la gratuité des transports pour 500 000 habitants de notre métropole.
Faire du logement social est indispensable, un impératif ! Madame la Présidente, vous avez évoqué la crise et vous me donnez l’occasion d’en parler. Effectivement, il est urgent de résoudre la crise du logement. Bien sûr, tous les locataires et toutes les personnes qui attendent un logement social… mais, pour maintenir l’équilibre fiscal, lorsqu’il n’y a plus de logements, pour des raisons fiscales, ce sont non seulement des emplois qui disparaissent, mais aussi de la TVA, des droits de mutation, et l’ensemble des finances publiques s’en trouve fragilisé. J’espère que Madame la Ministre, qui nous fera l’honneur de sa présence pour ce congrès de l’USH, pourra apporter des réponses.
Je tiens à le dire, car je siège dans de nombreuses associations d’élus : « les élus locaux sont prêts à construire, prêts à accompagner ». Ils doivent être soutenus pour cela. Il faut être aux côtés des maires qui font le choix de construire. Aujourd’hui, il est plus facile d’annuler un projet que de le mener à terme.
Nous devrons aussi travailler sur la nouvelle donne de production foncière. Les objectifs du ZAN sont là. Nos contraintes s’adaptent. Le monde a changé et nous devons en tenir compte. Il faudra sans doute agir sur un nouveau cadre réglementaire, car parfois les procédures tuent les projets. Je crois que la France des procédures doit s’effacer pour que la France des projets l’emporte. En effet, nous allons devoir requalifier certains types de bâtiments, comme les bureaux en logements […] Tous les maires ici présents le ressentent lorsqu’ils rencontrent leurs administrés, qui leur exposent leur détresse face à la crise du logement.
Je vais conclure en saluant le thème choisi pour ce congrès : oui, l’innovation, inventer, être créatif, et ne pas vous enfermer, vous, les femmes et hommes qui faites vivre le mouvement social. Vous répondez aux défis qui nous animent : le mieux-vivre des locataires, le défi de la sobriété énergétique ou encore la vulnérabilité face aux îlots de chaleur.
L’innovation doit être au cœur de notre action. Elle peut prendre de nombreuses formes. Permettez-moi d’en citer deux que nous menons à Montpellier. Ici, de nombreuses dalles aux pieds des logements sociaux ont été désimperméabilisées pour permettre à nos locataires de devenir cultivateurs à travers des jardins partagés. Lors de la crise du COVID, nous avons redécouvert l’importance de cet espace de proximité. C’est une innovation sociale modeste mais généreuse, portée par notre bailleur.
Vous avez également évoqué, Madame la Présidente, la question essentielle de la sécurité. Avec Monsieur le Préfet, nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet. Nous savons que ce sont les locataires des logements sociaux qui sont souvent les plus vulnérables face aux problèmes de sécurité. Ici, nous avons créé une brigade inter-bailleurs de tranquillité résidentielle. Lors de mon mandat de maire, j’ai pu ressentir la reconnaissance des locataires qui, pour la première fois, se sentaient soutenus dans leurs libertés fondamentales, telles que celle d’aller et venir. C’est une question absolument essentielle, alors que, dans notre pays, les narcotrafiquants s’installent parfois dans les résidences sociales. La République doit être ferme et forte pour protéger ses concitoyens les plus vulnérables.
Je conclus en formulant un souhait : que votre congrès soit un succès ! Je vous le souhaite pour que vos échanges et convictions, que j’ai modestement essayé de porter au nom de nombreux maires, fassent en sorte que la question du logement soit au cœur de l’agenda démocratique de notre pays.
De nombreux sujets méritent d’être traités, mais il y a aussi beaucoup de fausses polémiques qui abîment le débat démocratique. La question du logement est centrale, car elle touche à la dignité des personnes, au pouvoir d’achat, à la conception de nos villes et de nos espaces. C’est un enjeu qui traverse l’Europe entière. Et lorsque les gouvernements et pouvoirs locaux ne le relèvent pas, ils sont balayés et les forces populistes l’emportent. Ici, à Montpellier, nous avons su résister au populisme, mais nous avons tout de même vu des résultats électoraux inquiétants. C’est pourquoi je suis convaincu que la question du logement peut être un levier mobilisateur, capable de nous permettre de parler à nos concitoyens. À ceux qui évoquent le pouvoir d’achat, nous répondons par la production de logements sociaux.
Je vous souhaite un excellent congrès de l’USH ! »