"La fenêtre" : un nouveau lieu pour l'art contemporain à Montpellier

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Discours à l’occasion de l’inauguration du nouvel espace du centre d'art "La Fenêtre", 13 juillet.

 

Bonjour à tous et à toutes.

 

Je veux associer évidemment ma prise de parole avec l'équipe municipale, très nombreuse, que vous avez eu l'élégance, Madame la Présidente, de remercier. Merci, chère Gaëlle. D'abord, trois choses.

 

La première, l’expo Quatorze. Et finalement, la rencontre entre le Maire de Montpellier et la Galerie La Fenêtre, même si je connaissais un peu le lieu, mais trop, trop peu.

 

Le 14 juillet, ce n’est pas une date anodine dans l'histoire du pays, et je vais aussi vous raconter une anecdote. Je viens d'être élu Maire, donc pendant Covid, on ne peut pas fêter le 14 juillet, on va fêter le 14 juillet 2021. Et on me fait une affiche, je vais en profiter pour vous expliquer comment on fait les choses sur ce sujet.

 

On me propose une affiche sortie tout droit de Photoshop, avec un feu d'artifice et une fête nationale. Et je regarde mon équipe, et mon Directeur de Cabinet, qui est formidable, Monsieur Prunières, se rappelle encore de la colère que j’ai fait à son endroit quand il me montre l'affiche. Je lui dis mais Clément, ce n’est pas possible.

 

Nous sommes une municipalité de gauche et écologiste. Le 14 juillet, ça se fête. On doit en donner son sens.

 

Vous allez me faire une affiche artiste, il faut me faire une retraite au flambeau, il faut me faire une grande fête qui nous rassemble pour faire une action comme vous l'avez dit. Parce que je suis professeur d'histoire, militant républicain, au sens d'adhésion au principe de la République. Et le 14 juillet est une date qui n'a pas toujours été consensuelle dans l'histoire de France.

 

Elle a été combattue. Et oui, le 14 juillet, célébré en 1790, fête de la Fédération, et puis après la Restauration, il faut attendre la Troisième République pour qu'on dise le 14 juillet, il faut des cérémonies républicaines pour que les Maires s'adressent aux paysans qui, à l'époque, avaient auparavant voté pour Napoléon III. Et donc il y a tout un environnement visuel où le drapeau tricolore submerge les villes, et notamment Paris, avec ce tableau de Claude Monet sur la rue Saint-Denis, qui me soit permis ici de dire qu'il est en couverture des Lieux de mémoire que Pierre Nora a dirigés, qui est un ouvrage majeur.

 

Et la Troisième République fixe la date, fixe les lignes et met tout ce cérémoniel. Et en 1936, quand Léon Blum et le Front Populaire gagnent les élections, ils se réapproprient à nouveau, et à ce moment-là, l'enjeu est européen, le 14 juillet. Et c'est le gouvernement du Front Populaire qui va demander aux pompiers d'organiser des balles, c'est le gouvernement du Front Populaire qui va passer une commande aux artistes, et notamment à Jean Renoir sur le film La Marseillaise.

 

Et puis, si, le 14 juillet, il est célébré. Moi, je suis un enfant du bicentenaire. Je me suis déguisé en petit sans culotte. Et je me souviens de tout ce qui avait été fait en France, et dans cet imaginaire. Et souvent, ceux qui ont eu 10, 11 ans, 12 ans en 1989 ont peut-être en mémoire ces souvenirs-là. Et donc, à Montpellier, élu Maire, je me disais qu’il fallait donner du sens au 14 juillet.

 

Et c'est là où notre rencontre se fait avec Gaëlle, parce que les équipes, après ma colère, comprennent le sens de ce que je souhaite faire. Et on se dit on va faire appel, pour l'affiche, à un artiste. Pourquoi un artiste ? Parce qu'un artiste, c'est le symbole de la liberté.

 

Parce que les artistes, il y a toujours des propos populistes pour les critiquer. Parce que les artistes, le rôle des responsables publics, c'est de les défendre, pas de les juger. C'est défendre leur place dans la société.

 

Et je me souviens d'une discussion avec Romain, que j'ai aperçue, Romain Oudin, là, qui me disait mais à Montpellier, quand vous utilisez la communication, c'est souvent toujours la même chose, etc. Ça m'avait beaucoup marqué, cher Romain. Et donc là, on demande à la Fenêtre de nous faire cette proposition.

 

Et bien depuis 4 ans, il y a une œuvre d'art qui vient sur les panneaux publicitaires, dans les pages des journaux, et qui célèbre notre 14 juillet. Et c'est un message, pour moi, extrêmement fort. Et donc, on demande à Gaëlle, parce que aussi, je ressens un point, c'est que les arts graphiques, dont j'avoue, je ne suis pas un grand spécialiste, même un modeste connaisseur, jusqu'à fréquenter plus assidûment la Fenêtre, eh bien, nous fait ces propositions.

 

Au point qu'on est tellement convaincu que le design du bustram, c'est Alain Le Quernec qui le réalise. Et nous faisons entrer des arts graphiques aux côtés de Garouste et Bonetti, Christian Lacroix, Barthelemy Toguo, pour la cinquième ligne de tram. Donc la fenêtre est liée à nous, à notre manière de commémorer le 14 juillet.

 

Alors, je ne vais pas être trop long, mais il y aura une prise d’armes sur la Comédie. Vous avez bien compris mon affaire de bonnet phrygien et d'enfant avec la retraite au flambeau à 19h devant le kiosque Bosc, un grand son et lumière à Olympe de Gouges. Et demain, nous ferons une grande réception à la Mairie, non pas une garden party, mais l'année dernière, on a accueilli les femmes seules avec enfants.

 

Cette année, nous allons accueillir ceux qui entrent dans la communauté nationale avec leur décret de naturalisation. Et être français, ça n'est pas une affaire de religion ou de couleur de peau, c'est l'affaire d'adhésion à des valeurs, celle héritée de la Révolution. Et donc, nous célébrons ensemble le 14 juillet, c'est pour ça qu’on voulait ce vernissage.

 

Mais ce n'est pas tout. Le deuxième point, c'est qu'à Montpellier, eh bien nous défendons la culture. Peut-être pas autant qu'il le faudrait encore. Je suis prêt à entendre les critiques. Mais nous le faisons avec force, avec exigence.

 

Votre conclusion, chère Gaëlle, de ce point de vue, a tout dit, et donc je n'en dirai pas plus. J'y adhère. Nous défendons la culture parce que nous voyons, dans ce monde dans lequel nous vivons, qu'en certains endroits, elle est menacée par les guerres, par les conflits, par les démocraties illibérales en Hongrie.

 

J'ai souvent cité cet exemple du théâtre de Marioupol qui est bombardé, de Monsieur Orban qui empêche la liberté de programmer. Nous évoquions, cher Christian, cette photographe morte à Gaza, victime de l'horreur. Nous avons un devoir, nous, pays habité par l'esprit des droits de l'homme, de défendre la culture.

 

Et aujourd'hui, ce qui faisait consensus ne le fait plus. Regardez certaines collectivités territoriales. Il y a ceux qui baissent un peu le budget parce que c'est dur, et c'est déjà agaçant.

 

Mais il y en a qui font un acte de gloire de couper les subventions, qui prennent l'image de de Monsieur Milei et qui sont en train de commencer à s'imposer dans les esprits. Et donc l'engagement et les nombreux discours que j'ai l'occasion de faire avec toi, chère Agnès, en faveur de la culture, ils sont le plan de réveil collectif de la communauté démocratique que nous formons, pour rappeler toute son importance, parce qu'on sent bien qu'aujourd'hui, une question profonde est en train de se jouer. La place de la culture dans nos sociétés, ça n'est pas un supplément d'âme, c'est le cœur de notre conscience.

 

Et donc à Montpellier, nous cherchons méthodiquement dans un rapport à l'espace, chère Gaëlle, à la réaffirmer. Ici, nous sommes sur la Place de la Comédie et sur l’Esplanade. Ce lieu, en 1888, est celui où est réalisé le nouvel opéra après l'incendie par l'architecte Cassien-Bernard et donc domine la place.

 

Cette place qui a été piétonnisée. Ici, on y vient pour écouter de la musique, on y vient pour écouter de l'opéra, le festival de Radio France en ce moment. Je me démène pour qu'on vienne à nouveau y voir du théâtre, je crois que c'est un peu plus dur, autant de saisons que je voudrais, mais on va y arriver.

 

Et puis, nous allons vers l’Esplanade et, on a réhabilité le kiosque Bosc.

 

Et d'ailleurs, toute la semaine, Radio France va interpréter la culture dans l'espace public. Nous allons bientôt installer l'œuvre de Germaine Richier sur l’Esplanade, après qu'elle a été saccagée par des barbares. Et puis, le musée Fabre qui va fêter ses 200 ans, et je veux saluer le cabinet Nebout qui va en réaliser l'extension, nous allons l'agrandir.

 

Tout comme en ce moment, dans la salle Berlioz, on entend des concerts. On les entend à Montpellier, on les entend sur France Musique. Vous savez, le service public de la radio qu'il faut défendre face aux assauts des alliés de Monsieur Bolloré. Et nous entendons ça dans différents pays d'Europe.

 

Et à chaque fois, le présentateur, il parle d'un pays, et c'est souvent un pays de l'Est qui connaît la valeur de la liberté. Et donc, nous essayons de remettre les lieux de culture au cœur de la ville. Ah oui, j'ai oublié, Sabatier d'Espeyran qui va faire un partenariat avec

Guimet, on va découvrir les arts de l'Asie, parce que nous ne pouvons pas continuer à penser qu'en Européen, le monde est bien plus vaste que cela.

 

Nous allons réouvrir le Pavillon Populaire avec une grande carte blanche à Raymond Depardon. Et puis, parce qu'il faut bien faire les choses, on va aussi rénover avec ses équipes le cinéma d’Art et essai Diagonal. Tout ça pour dire que quand ce lieu était vide depuis 15 ans, d'ailleurs certains disent « oui, c'est le loup et le comédien » du nom du café, j'ai dit qu'on mette quelqu'un qui œuvre pour la culture. On s'est posé la question « pourquoi pas faire une librairie ? ». Bon, très bien, mais il y en a suffisamment, enfin, il n’y en a jamais assez. Il y en a à Montpellier et on aurait peut-être fait une distorsion de concurrence. Et moi, je connaissais bien Gaël et j'ai été frappé, je vous le dirais, de votre opiniâtreté.

 

Ça fait 15 ans que la Fenêtre existe et comme on dit parfois, c'est un petit coin de paradis. Rue Frédéric Peyson, c'est un petit lieu d'intelligence qui élève l'esprit. Quand on y entre, on y réfléchit sur habiter nos villes, notre rapport à l'espace, on y comprend les arts graphiques, le caractère de l'art, création contemporaine.

 

Quand on voit l'agenda de la Gazette de Montpellier ou du Midi Libre, on y voit invité à une conférence, à un lieu de rencontre. Et comme cette année, parfois, on s'est vus et Madame la Présidente, vous, chère Gaëlle, vous m'avez dit que ça allait être dur budgétairement, on s'est dit comment on peut vous aider. Je pense que le meilleur moyen de vous aider, c'était de trouver des locaux pour que vous n'ayez pas la charge du loyer, excusez-moi d'être très prosaïque, vous n'ayez pas la charge du loyer pour continuer à ce que les subventions publiques, votre travail, aille sur des projets artistiques.

 

Et donc ces locaux, dans ce magnifique écrin de la culture à Montpellier, du patrimoine, et bien maintenant sont les vôtres. Et moi, je me réjouis d'imaginer un visiteur étranger qui vient dans notre ville et qui se met un jeûne sur les Trois Grâces et qui regarde la place. Il verra des gens qui viendront ici au concert, ici au vernissage, des gens du concert qui entreront et peut-être il franchira la porte.

 

Peut-être qu'il verra les installations de Montpellier Danse qui prennent place, ou de l'orchestre de Montpellier qui s'installe au kiosque Bosc, qui sera invité par les kakémonos sur les mains qui sont là, et qui l'inviteront à une exposition du musée Fabre ou du Pavillon Populaire. Peut-être que là, il se dira mais cette ville qui s'appelle Montpellier, c'est une ville qui est quand même assez singulière, en tout cas qui affirme un certain nombre de valeurs. Celle de la culture, celle de la création, celle de la rencontre, celle d'un art qu'il ne faut qu'utiliser, celui d'être ensemble.

 

Et aujourd'hui, en venant installer la Fenêtre, nous venons au centre d'art graphique de Montpellier, et nous venons ici y contribuer. Moi, je suis vraiment un Maire heureux et ému, parce que je me dis que vraiment là, on fait quelque chose ensemble de très bien. Et puis, on a hâte de voir l’expo, les expos d'après, parce que comme vous l'avez dit, c'est bien de l'avoir comme programme, comme projet, comme ambition, d'élever l'esprit, de cultiver la curiosité, de susciter la discussion qui finira sur le grand banc de la Comédie où les gens converseront, parce que c'est l’intelligence qui l'emporte sur les passions de haine, de vulgarité, de détestation.

 

C'est tout ça que nous faisons ensemble. Et merci à vous, Madame la Présidente, chère Gaëlle, de porter ce projet avec le Conseil d'administration et j'imagine tous les bénévoles, tous les gens à qui vous avez rendu hommage. Avec la Fenêtre ici dans l'Opéra Comédie, c'est Montpellier qui grandit en mieux, en bien. Merci à tous ceux qui ont rendu possible ce projet.

 

Vive la Fenêtre, vive la culture, vive Montpellier !