
En ouvrant cette cérémonie, vous avez illustré cet adage d’Alphonse de Lamartine, « Je suis de la couleur de ceux qu'on persécute ». Vous avez renvoyé à ce qu'est l'universalisme républicain qui, justement, nous pousse dans nos idéaux émancipateurs. Merci de votre propos. Et de votre interprétation, très émouvante.
Cher Mario, au fond, nous sommes là au cœur du problème. Cette histoire que tu nous as offert en partage, c'est une histoire que nous méconnaissons. Je parle en connaissance de cause, j'enseigne l'Histoire.
Pourquoi ? Pourquoi n’y a-t-il pas de thèses en histoire sur les cultures gitanes en France ? Pourquoi n'y a-t-il jamais eu un bulletin historique de la ville de Montpellier sur les cultures gitanes ? Pourquoi aucun projet de recherche n'a été confié dans nos prestigieuses universités là-dessus ? Je ne sais pas. C'est en soi une question. Nos concitoyens, d'origine juive, de confession juive, ont eu aussi ce problème, le traitement de la mémoire après la Libération.
Et donc ça dit peut-être l'ampleur de la tâche qui est encore devant nous. C'est pour ça que nous faisons cette journée. Et cher Mario, ton témoignage me fait penser à un témoignage que j’ai moi aussi reçue, et je viendrai après au fond.
Quand je me suis rendu avec mes amies Clare Hart, Clara Gimenez, que je salue, et les élus. À Heidelberg, je conduisais une délégation avec une personne à laquelle je veux penser beaucoup à cet instant, Lili Baliardo, Ornella, Soraya. Ce matin, nous avons visité un lieu qui a été voulu par un personnage en Allemagne, qui a beaucoup œuvré auprès des différents Chanceliers et Chancelières de la République Fédérale Allemande pour qu'il y ait un travail de mémoire sur ce qu'avaient vécu comme persécutions les Sintis et Romas. Ainsi sont nommés les Tziganes, les Gitans, qui existent là.
Et il l’a très bien fait. Et il existe à Heidelberg un musée, c'est le plus grand musée d'Allemagne, dans notre ville jumelle, qui retrace cette Histoire. Et Soraya, qui était dans la délégation, en pleine visite de ce musée, elle est sortie, elle m’a dit : « Je ne peux pas faire plus de deux salles ».
Elle m'a raconté que sa mère lui disait, quand elle était à Lunel, qu'au bruit des bottes, elle était cachée par sa grand-mère pour éviter d'être arrêtée.
Elle me l'a donné, ce témoignage oral, comme tu nous l'as donné, chère Marie. Je pense qu'il y a un gros travail qu'il faut qu'on lance. C'est anormal et il faut qu'on le corrige. Il y a des universitaires, il y a plein de gens compétence pour cela. En tout cas, nous, on soutiendra.
Aujourd'hui, Montpellier célèbre le 8 avril. Ça veut dire que la France bouge et qu'il y a des gens qui la font bouger. Ici, l'association Cap Gély et tous les soutiens, très nombreux, que je veux saluer, qui nous font l'amitié d'être là. Ils sont sur la lutte contre la pauvreté. Très important. Il y a tant de travail à faire.
Et nous devons le faire. Et l'association Cap Gély, elle effectue un travail de mémoire, mais elle effectue aussi un travail culturel autour de la musique. Sans être dans la caricature, cela reste un langage universel. Et moi, je me souviens du Maire d'Heidelberg, à la Guinguette Gitane, écoutant de la musique gitane.
Je me souviens de ce lieu improbable qui est la chapelle de la cité Gély, où une jeune femme du nom d'Ornella, ne pouvait pas être à la ZAT ni à la Mosson. Elle est en tournée comme comédienne et elle raconte son histoire, son chemin. Je veux penser ici au travail qui est fait avec la Maison pour tous, avec plein de structures, pour essayer de mettre en lumière une facette de l’identité.
Alors moi, je n'emploie pas le terme de communauté. Je suis très mal à l'aise avec celui-là. Il existe une seule communauté, c'est la communauté nationale.
Mais une part de l'identité de la ville, une part des cultures qui enrichissent Montpellier et qui nous enrichissent. Le mot altérité a été annoncé et il est magnifique. Et donc, je veux saluer votre travail.
Je veux le dire publiquement, comme Maire, il est très précieux. Votre festival, aux Halles Tropisme, est un grand rendez-vous culturel, maintenant, de Montpellier. Et nous veillerons avec Madame Gimenez et Madame Robin à continuer à lui donner de l'ampleur.
Et au mois de novembre, quand la délégation annuelle de Montpellier se rendra à Heidelberg, puisque c'est notre ville jumelle, nous vous proposerons de faire partie de la délégation pour franchir le Rhin et discuter avec la municipalité justement sur comment ils ont mené ce travail de mémoire. Et nous serons très honorés. Je sais que le Maire Eckart Würzner vous recevra avec tous les égards.
Il se souvient de la paella, de la guinguette gitane. Il sera très heureux de vous accueillir.
Alors, beaucoup de choses sont faites, mais beaucoup de choses restent à faire. Il faut continuer à vaincre les préjugés. Il faut continuer à œuvrer en républicain pour les droits et les devoirs.
Il y a beaucoup à faire sur la scolarisation. Je parle en connaissance de cause. Beaucoup à faire sur l'accès à l'emploi. Beaucoup à faire pour combattre les forces qui cherchent à tirer vers le bas. Nommons les choses : le narcotrafic est un vrai problème.
Il y a trop d'enfants qui habitent des quartiers où les origines, la culture gitane est là, sont emmenés, sont prisonniers de ça. Et ça doit nous empêcher de dormir. Et il nous faut agir. Il nous faut montrer qu'il y a des modèles de réussite. Il nous faut montrer des réussites scolaires.
Il nous faut montrer beaucoup de choses. Et au fond, il faut toujours aller chercher le meilleur. Et aujourd'hui, Monsieur le Préfet, par votre présence, l'appel que nous voulons lancer ici à Montpellier, c'est que nous sommes prêts à travailler.
Nous, on va prendre notre part. Nous le prendrons chaque fois que nécessaire pour défendre un projet social pour la République. Mais nous avons besoin de l'État.
Nous avons besoin d'unir nos efforts. Nous avons besoin de soutenir les hommes et femmes de bonne volonté qui permettent l'intégration et l'apport de chacun au grand projet républicain de notre pays. Il n’y a pas beaucoup d’élus d’origine gitane. Ici, il y a mon ami Mario, qui est adjoint au Maire de Pérols. Ce sont aussi des trajectoires qu'il nous faut montrer.
Le sens de cette cérémonie n'est pas une cérémonie juste à l'endroit de nos concitoyennes et concitoyennes de culture gitane, d'origine gitane. Mais c'est l'histoire d'un peuple qui n'est pas une minorité. Qui est, au fond, l'Europe avant l'heure.
Qui a cassé toutes les frontières avant l'heure. Et qui les partage dans les drames et les épreuves. Celles de la Shoah et de l'Holocauste. Et croyez-moi, quand on regarde en Allemagne, ça nous montre que c'est possible.
Et ce chemin-là est un chemin très inspirant. Je voudrais terminer, cher Stéphane, pour te remercier personnellement de ton engagement.
Je sais que la Présidente du CRIF est là. Et ce qui est bien, enfin ce qui est encourageant, c'est que le 27 janvier, quand on célèbre la libération d'Auschwitz, il y a Cap-Gély, il y a le CRIF, il y a le Yad Vashem, et il y a nos douleurs, nos souffrances, nos mémoires. Mais il y a aussi l'envie de, ensemble, essayer de créer une humanité meilleure, riche, de cette diversité.
Vive la journée du 8 avril du peuple Tsigane, vive la République et vive la France.