Femmes seules avec enfants : une priorité sociale et républicaine

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Discours prononcé le 17 juillet 2025 à l'occasion d'échanges sur le monoparentalité

Je veux tenir un propos un peu général sur le sujet qui nous intéresse en commençant par remercier tous ceux et celles qui sont là. C'est très important qu'on ait ces temps d'échange, de partage. La dernière fois, il y en avait eu un, c’était il y a quelques mois, à Gisèle Halimi, qui nous aide à construire des politiques publiques plus justes, plus efficaces, dans l'action que la municipalité, le CCAS, la métropole conduisent.

Je voudrais dire merci à tous. Nous avons fait du thème des femmes seules avec enfants un thème prioritaire de l'action sociale. Et alors, on me dit : « Mais Michaël, il y a des hommes aussi ».

Très bien. Mais pour une fois, c'est le féminin qui va l'apporter sur le masculin. Je vais continuer à dire les femmes seules avec enfants. Parce que la réalité, au fait majoritaire, c'est très largement ce qu'il y a. Et moi, je voudrais, avant de vous parler d'une République, vous dire comment cette conviction qu'il fallait agir est venue en moi.

J’étais Conseiller Départemental de l'Hérault, un grand honneur, et je siégeais dans une commission où on examinait les dossiers de personnes allocataires du RSA et qui avaient retrouvé un emploi à 20h/jour ou 15h/jour. À ce moment-là, il y avait une petite aide que le Département allouait. Les dossiers étaient anonymes. Il y avait plein de dossiers où il fallait payer la cantine et le centre de loisirs. Et à chaque fois, je supposais que c'était une femme seule avec enfants. On travaillait là, et dans ces commissions, il y avait des représentants, des usagers, des bénéficiaires du RSA.

Après les réunions, on partageait un café, on discutait. Les bénéficiaires, les personnes qui présentes, étaient des gens formidables. Souvent des femmes seules avec enfants me disaient « Monsieur Delafosse, vous semblez un peu comprendre ce que l’on dit ». En fait, dans le débat démocratique, dans le jeu des journalistes qui regardent, quand vous êtes femme seule avec l'enfant : Avez-vous du temps d'être dans un syndicat ? Avez-vous du temps d'être dans un parti politique ? Avez-vous du temps pour aller à la réunion publique, interpeller vos représentants ? Avez-vous du temps ? Non. Et d’un seul coup, on se dit, qu’on ne les voit pas.

Et on ne les voit tellement pas, que l'année dernière, quand j'ai reçu le collectif des femmes isolées, qui fait un travail national et qui a été reçu par un Député que je soutiens beaucoup, mon ami Philippe Brun, je leur disais tout ce qu'on faisait et elles me disaient : « Monsieur le maire, continuez, c'est bien, vous avancez ». Et elles m'ont raconté cette anecdote :

 « Monsieur le Maire, il y a un problème. Quand on touche la pension alimentaire, celui qui paye la pension est défiscalisé. Mais pas nous ». Je connais beaucoup de choses, je m'intéresse à plein de choses, je lis les journaux tous les jours mais ça je ne le savais pas.

C'est seulement l'année dernière qu'il y a eu, pour la première fois dans l'histoire de la République, un amendement, porté par Philippe Brun, qui a été rejeté, sur ce sujet. Il a pris pour la première fois la parole à l'Assemblée en disant : « Il faut changer les choses ». Cela dit beaucoup du travail qui est encore devant nous.

La municipalité, et je remercie tous les élus présents, on a essayé de se dire qu’on allait faire un panel d'actions en faveur des femmes seules avec l’enfant, des parents seuls. Certains bénéficient déjà des dispositifs. C'est le tarif à 5 centimes pour les femmes au RSA activité.

Moi, je suis le premier Maire qui a fait voter les premières attributions pour logement social à la crèche en conseil municipal et en conseil de métropole. Parce que je crois à la transparence, je crois au respect de la règle, je crois à la loi.

Et quand, on l’a fait voter, on a mis en avant des critères de modification pour le logement et pour les places en crèche. Je sais que Thierry Mathieu est d'accord. Quand parfois, on me dit : « Monsieur Delafosse, vous avez fait la gratuité de transport, c'est bien pour l'écologie ». Bien sûr.

Mais moi, je connais aussi tellement de femmes seules avec enfants, en collèges, lycées, pour qui le prix de l'abonnement était de 190€. On a pris un certain nombre de mesures. On a voté récemment la bonification de l'aide à 50€ à 75€, pour l’adhésion sportive.

Donc, on essaie d'agir. Je ne dis pas que cela règle tout, parce que, je pense que ce que vous vivez, c'est dur.

Mais en tout cas, ce qu'on essaie de faire, c’est de faire en sorte que ce ne soit pas un angle mort invisible des politiques. Et moi, je dis à qui veut l'entendre, que l'on peut mettre en lumière ce sujet, inspirer notre commune à agir. Et puisque tout le monde dit qu'il faut agir pour la cause des femmes, il faut agir pour l'égalité, il faut lutter contre la pauvreté : et bien ici, il y a un sujet.

Parce que la charge mentale, parce que s'occuper des enfants, parce que les pères fuient leurs droits ou plutôt leurs devoirs : il faut prendre en compte tout cela. Et donc, on essaie de le prendre en compte dans le discours public.

Il faut agir pour et avec les petites pensions, avec les gens qui n'arrivent pas à vivre de leur travail et les femmes seuls avec enfants. Et je parle de ça parce que je veux que nos concitoyens et nos concitoyennes comprennent que là, il y a un sujet. La société d'aujourd'hui ne se pense pas.

Et si on veut une société féministe : je crois que, là, il faut agir. Si on veut réduire l'égalité homme-femme : là, il faut agir. Si on veut prévenir la pauvreté : là, il y a un risque de pauvreté.

Donc, il faut lutter. Comme je suis tenu de parler d'un atelier :

Le répit, ça, ça a été un travail. Je veux en saluer les équipes extraordinaires. Le répit, c'est quoi ? Le répit, c'est ce temps qu'on peut donner pour continuer à vivre tout simplement, à ne pas être prisonnier. C'est plus le mot prisonnier que j'entends.

Quand on a la charge des enfants, on n'a pas une minute à soi. Et donc, on n'a pas de temps pour se construire, se reconstruire, pour se refaire un réseau d'amis, un réseau affectif : on est pris.

Et la question du rapport au temps, il est important. Alors, ce temps dit de répit - le mot n'est pas beau non plus - ce n’est pas du répit, mais finalement, du temps pour vivre, pour profiter de la vie, pour pouvoir bénéficier du loisir, le cinéma, être ensemble, ne pas être en situation d'isolement social, en prenant soin des enfants comme si c'était simple de s'en affranchir. Donc, ça, pour nous, c'est important et on l’a voté.

Merci au journal Le Monde, qui a fait un article sur ce qu'on a lancé avec Karim Bellahcene, le centre de loisirs Poséidon.

Je reçois plein de messages : « Mais comment vous faites ? ». Ce qui est bien, parce qu'il y a plein de mères qui vont s'embarquer. C'est très important, c'est à continuer. Mais il y a sans doute d'autres choses qu'il faut déployer, qui permettent de donner du temps, pour soi, pour avoir une vie sociale.

Nous, on est très preneurs de pistes. Et là, vous avez directement devant vous le demeure d'ordre : A quel moment on ouvre les services publics ? Est-ce qu'il y a des espaces où on peut laisser les enfants, pour profiter de temps pour soi ?

Je prends un exemple, quand on va ouvrir le centre d'art Mille Formes pour les 0 à 6 ans en 2026 : je pense que ça, c'est génial.

Mais moi surtout ce que j’espère, c’est que cela va donner deux heures, pour permettre, d’être enfin seuls, aller prendre un café, partager un moment de vie. Donc, ça, c'est une des pistes.

Donc, les horaires des services publics, la prise en charge, c'est le temps aussi où on peut poser les enfants, avant les enfants,

Enfin, à Montpellier, on a réussi à avoir une crèche, la crèche Liselotte, à horaire atypique, tôt le matin. Donc, ça, ce sont des choses que nous, on peut entendre, qu'on peut faire, qu'on peut déployer.

Et le troisième point du répit, que je veux évoquer, c'est le projet Les Violettes Pour l'instant, on tâtonne, on va avoir besoin de vous. On essaie avec Fatma Nakib, Michel Calvo, de créer un lieu pour quand il y a le divorce pour quand il y a la séparation. Lorsqu’on se demande : où est-ce qu'on va ? Jusqu'où on reste ensemble ? On est en train d'essayer de penser à un tel lieu, à côté de la cité Astruc, où, justement, les femmes tentent de s'organiser pour être accueillies. Et ça, c'est un projet très novateur.

En tout cas, j'ai une ambition là-dessus, nous avons une ambition, j'ai une ambition, comme Maire, de faire un lieu qui, justement, sécurise au maximum le moment difficile de la rupture. Et ce lieu-là, on veut le réussir.

Voilà quelques pistes, quelques champs de réflexion, mais c'est surtout à vous de suggérer, de nous écrire. Et surtout, ce que je veux vous dire, et je termine là-dessus, c’est que l’on va être très attentifs pour savoir comment mettre en œuvre. Et si je ne peux pas faire, je vous dirai pourquoi on ne peut pas faire.

Mais je veux très clairement que la parole que nous vous donnions elle nous aide à mieux faire collectivement. Et la présence ici de la branche famille de la sécurité sociale, la CAF, c'est très important. Et là-dessus, je veux le dire, nous sommes très compris et très aidés sur la politique que nous cherchons à déployer.

Pardonnez-moi d'avoir été un peu long, mais je voulais essayer de recadrer au maximum les choses, et surtout, de partager cette idée que finalement, vous êtes passés. Dans le champ du débat démocratique, les élus, on n'est pas parfaits, loin de là, mais qu'on a saisi.  Que ce soit au Sénat, que ce soit dans l'Assemblée nationale, on s'aide beaucoup de ces expériences-là, qu'on essaie de bouger et qu'on espère qu'à un certain moment, on réussisse à le faire.

Merci.

 

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