Discours de Michaël Delafosse, Maire de Montpellier, Président de Montpellier Méditerranée Métropole, à l’occasion du début de chantier d’écrêtage de la Tour d’Assas le lundi 23 septembre 2024.
Mesdames et Messieurs,
[…] C’est un signal extrêmement fort pour nous que de tenir ce moment d’écrêtage de la Tour d’Assas alors que va s’ouvrir, demain, le congrès de l’USH, où la question du logement sera évidemment au centre des débats, où nous avons pu montrer qu’à Montpellier nous produisons du logement social, mais que nous en détruisons aussi, parce qu’il était devenu le symbole du malheur.
Je voudrais ici vous le dire avec beaucoup de force. Nous avions promis, lors de notre campagne électorale, de rééquilibrer la ville à l’Ouest et d’accélérer les programmes de rénovation urbaine engagés depuis presque dix ans – avant 2020 ! – dans les quartiers des Cévennes – on en parlait en aparté – et dans le quartier de la Mosson.
Quand j’ai été élu maire, durant cette période difficile du COVID, un souvenir que j’ai souvent raconté s’est produit ici […]. Ici a éclaté une fusillade. Et ce quartier si cher à tous, qui est la Paillade, faisait la une du 20 h, car éclatait un de ces règlements de comptes qui font tant de mal à notre pays et à nos quartiers.
Je me souviendrai longtemps être entré dans un des appartements, ici. Dans une chambre d’enfant où tout était criblé de balles. Aucun enfant de France, ni du monde d’ailleurs, ne doit connaître cela. Le lendemain, Monsieur le préfet Jacques Witkowski, avec son directeur de cabinet de l’époque, était là. Véronique Brunet était là. Nous étions là, partageant un petit kawa avec les habitants. Nous étions masqués, à deux mètres de distance les uns des autres. Les habitants étaient tous apeurés. Ils disaient : « On veut quitter le quartier. » Et je leur ai dit avec beaucoup de détermination : « On va travailler sur le commissariat mixte et tous les projets. On va détruire la tour d’Assas en 2024. » Et les habitants m’ont répondu : « Mais Monsieur le Maire, on nous l’avait promis pour 2015 ! On nous l’avait promis pour 2020 ! » Rien n’avait été détruit, tout était là.
Et à ce moment-là, nous nous interrogions nécessairement sur deux points. Le premier, c’est quand vous regardez les copains, c’est-à-dire les autres maires, et que vous voyez leurs projets avancer, vous vous dites : « Mais pourquoi ici ça ne marche pas ? » Nous avons donc remis en question nos méthodes. Et puis, deuxièmement, nous avons misé sur quelque chose qui me caractérise, mais qui caractérise aussi Montpellier : le volontarisme !
Nous avons donc changé nos méthodes d’action. Nous avons fusionné le bailleur social et l’aménageur, celui qui s’occupe des logements et celui qui a la concession. Nous avons demandé aux équipes qui travaillent sur ce projet de travailler ici et d’installer leur bureau à la maison du projet Gisèle Halimi. Nous avons consenti à un effort budgétaire sans précédent en termes de moyens humains. Au début, ils étaient deux […]. Ils sont maintenant près d’une centaine à accompagner la dynamique de projet. Nous avons donc changé l’intégralité des processus pour faire de la rénovation urbaine à Montpellier, comme nous avons un certain savoir-faire sur d’autres projets urbains ou en matière de transport en commun, comme les lignes de tramway.
Il fallait que l’efficacité montpelliéraine soit au rendez-vous. Elle l’est ! La parole est tenue. Nous sommes en 2024, la tour d’Assas va tomber.
Il a fallu reloger les quatre-vingts foyers qui étaient présents, chacun avec des problématiques particulières, et ils ont accepté d’être accompagnés – cela a été fait en un temps record ! Et là, comment ne pas saluer l’engagement des bailleurs qui se mobilisent sur ces sujets-là, sur le relogement, l’accompagnement des familles et combien le logement social est important dans notre pays ?
Nous n’y serions pas arrivés si, dans cette salle du Conseil de métropole, quand j’étais un peu furieux, nous n’avions pas trouvé de la volonté. Elle a été au rendez-vous en un temps record.
Aujourd’hui, la tour d’Assas vit ses dernières heures. Elle fut construite en 1969 dans le cadre d’un programme de ZUP.
Elle fut un lieu incroyable qui a accueilli beaucoup d’hommes et de femmes ayant vécu la tragédie qu’ont connue les pieds-noirs. Ensuite, elle a accueilli les salariés d’IBM, qui marquèrent l’entrée en modernité de Montpellier. Puis, elle a accueilli une partie d’habitants venus, principalement, du Maroc. Enfin, elle a également accueilli des hommes et des femmes dont le projet de vie était de s’installer à Montpellier.
Cette tour, qui offre des points de vue incroyables – c’est vrai ! – était devenue la tour du malheur. Je veux rendre hommage ici à la mobilisation des femmes […] qui ont dit : « On ne peut plus continuer comme ça ! » L’anecdote est la suivante, je vous la livre. Il y avait trois ascenseurs dans cette tour et un jour, une famille m’a dit : « Pour amener notre enfant à l’école, qui est pourtant juste à côté, il nous faut une heure parce que les charges de copropriété n’étaient plus assumées, tout tombait, tout était à l’abandon. » Cela a même fait l’objet d’un très beau documentaire, Le village vertical de Laure Prada.
Une fois la tour vidée, qu’avons-nous fait ? Au-delà du désamiantage, nous avons réalisé quelque chose de très puissant. Nous avons dit aux habitants du quartier que nous allions essayer d’agir, malgré les nombreuses difficultés. Mais surtout, nous avons cherché à mobiliser de nouveaux imaginaires pour accompagner la transformation et faire en sorte que tout le monde s’y implique. Ainsi, quand les derniers locataires sont partis, une funambule sans filet […] a traversé ici, nous rappelant finalement la fragilité des choses et que tout est une question d’équilibre. Ce fut un moment très poétique où à la fois les habitants du quartier ont pu commencer à percevoir les changements en cours, et où tous les Montpelliérains ont été invités à observer ce qu’ils voyaient de loin, mais connaissaient mal. Ici, Al Sticking est venu raconter, à travers sa bâche, l’histoire de cette tour. Grâce à vos services, Monsieur le préfet, nous avons pu créer un rooftop supplémentaire à Montpellier, puisque près de 6000 personnes sont venues voir cette vue magnifique.
La Paillade, on en parle évidemment, mais tout le monde ne la connaît pas forcément. Nous avons donc voulu créer un lien entre les habitants du quartier et l’ensemble des Montpelliérains pour qu’ils prennent la mesure de la transformation.
Alors maintenant, la tour a été désamiantée. Nous ne procéderons pas par dynamitage comme vous le faites parfois, même vous, Madame la directrice de l’ANRU. Nous, c’est par écrêtage que nous détruirons la tour, car il y a des habitants tout autour. Ce sera donc un peu différent.
Ce soir, nous nous retrouverons sur le rooftop du Corum et ce sera la dernière fois que nous verrons ce paysage urbain, avec le pic Saint-Loup et la tour d’Assas. Je le dis aux gens quand nous sommes sur le toit du Corum : « Regardez bien le paysage de Montpellier ! Il va changer. »
La tour d’Assas va petit à petit disparaître, comme d’autres bâtiments. Je tiens ici à remercier chaleureusement tous ceux qui nous accompagnent dans ce projet. Madame la directrice de l’ANRU, je suis venu plaider le dossier au Comité des engagements. Moi qui suis professeur et habitué à faire passer des diplômes, j’ai eu l’impression de passer un grand oral en venant défendre ce projet. Je souhaite vivement vous remercier pour le soutien financier que vous avez apporté en complément. Ici, nous consacrons un demi-milliard d’euros à la rénovation. C’est plus que pour la réalisation de la cinquième ligne de tramway. C’est l’affirmation que les moyens publics de la métropole, de l’Etat, de la région et du département sont mobilisés en faveur de ce quartier populaire. C’est un choix financier exceptionnel !
Je remercie également Madame la directrice de l’ANAH, qui nous soutient sur tous les sujets.
Monsieur le préfet, avec vos services avec lesquels nous travaillons, nous aurons bientôt une autre inauguration : celle du commissariat mixte de la police municipale et de la police nationale au Carré Uranus.
Le travail que nous menons ensemble contre les marchands de sommeil, qui ont contribué à la paupérisation de ce quartier, avance bien. Quelle joie d’avoir fait la une du Midi Libre et d’avoir vu qu’un marchand de sommeil à Montpellier a été condamné pour la première fois. […] Cette résidence de fond Del Rey, nous l’avons rachetée, et merci à ACM, bailleur, et à l’EPF pour leur accompagnement sur les copropriétés présentes.
[…] Je tiens aussi à remercier les équipes qui travaillent sur ce projet. S’il y a des gens qui doutent du service public, qu’ils viennent à la maison du projet. Quand ici les émeutes ont éclaté, comme partout en France, nous avons eu beaucoup d’inquiétude. Mais ici, les équipes ont permis de dialoguer avec le monde associatif et les habitants. La bâche de Al Sticking, visée sur TikTok – c’est ainsi que les choses fonctionnent désormais ! – a été défendue par les habitants. Quand vous cherchez à améliorer le cadre de vie et à changer les choses, les forces positives, celles de la fraternité, sont là.
Merci donc à tous ceux qui accompagnent cette volonté politique qui est la nôtre, celle de la majorité municipale que j’ai l’honneur de conduire, pour mettre en œuvre ce projet et, enfin, arrêter de parler – vous voyez exactement à quoi je fais allusion – d’urbanisme sur plan, à coups d’acronymes incompréhensibles pour les habitants, où les horizons temporels leur semblent très lointains.
Ce que nous avons accompli autour du dossier de la tour d’Assas, ce que vous avez accompli, est incroyable. Vous avez permis que la parole du maire de Montpellier, tenue devant des habitants apeurés, soit honorée.
Quand on parle de rénovation urbaine, nous invitons souvent les gens à regarder des horizons temporels très éloignés. Être ici, à une étape aussi importante, est un fait majeur : nous détruisons la tour d’Assas !
Mesdames et Messieurs, je vais vous céder la parole, mais je vous relance aussi une invitation, car d’autres destructions nous attendent : bientôt, ce sera au tour de fond Del Rey, et de l’arche Mercure, dont la démolition interrompra pendant huit semaines le tramway ; ici, nous nous attaquerons aux copropriétés dégradées à l’horizon 2027-2028. Devant Saint-Paul, Altémed implantera son siège et ses 400 emplois. Dans quelques jours, j’aurai une nouvelle très importante à vous annoncer concernant ce qui va s’installer ici, Monsieur le préfet, et sur ce qui pourrait s’installer là. Nous avons un courrier à rédiger dès aujourd’hui.
[…] Comme j’aime à le dire, « qui n’est Pailladin n’est pas Montpelliérain, et qui est Montpelliérain est Pailladin. » Montpellier prend soin de ce magnifique quartier qu’est la Paillade, je vous remercie.