Discours en hommage à Ilan Halimi

hommage Ilan H

Discours d’hommage à Ilan Halimi prononcé le vendredi 12 septembre à l’occasion de la plantation d’un arbre du souvenir dans le parc d’Arménie. Ce discours a été prononcé devant les autorités civiles, militaires et religieuses de la ville de Montpellier.

 

[…]

Merci d'être présents aujourd'hui.
Monsieur le Secrétaire de préfecture, cher Thibault Félix, merci de vous associer à cette cérémonie.
Merci monsieur le sénateur Hussein Bourgi d’être présent ; ce qui me donne l'occasion d'excuser Kléber Mesquida et de saluer mes collègues et amis maires, Jean-François Audrin et Frédéric Laforgue.
Je tiens également à saluer Hélène Mandroux, maire honoraire de la ville de Montpellier.
Je veux bien évidemment saluer les élus, les personnalités présentes.

Je veux aussi relever ce qui fait de moi un maire de Montpellier fier et ce qui doit rendre tous les Montpelliérains et Montpelliéraines fiers de leur ville. C'est que pour cette cérémonie, la diversité des consciences est présente. Merci, monsieur l'imam. Merci, messieurs les présidents de mosquées, monsieur le président de la Pagode, monsieur le représentant de l'archevêque. Merci au culte évangélique d'être là, chacun dans vos foi, dans vos consciences ; sentant qu'il était important d'être présent à cette cérémonie.

Cette cérémonie, comment s'est-elle décidée ? […] Fin août, alors que les vacances prenaient fin, alors que chacun s'adonnait à ses affaires de la rentrée, nous découvrons, comme maintenant souvent sur les réseaux sociaux, par un titre d’actualité, un acte qui nous a profondément ébranlés. Les assassins de la mémoire ont fait leur basse œuvre.

L'arbre qui fut planté en Seine-Saint-Denis, à la mémoire d'Ilan Halimi – cet arbre où les gens se recueillent – a été abattu ; comme on peut profaner une tombe, comme on peut profaner une plaque, comme nous l'avons vu, hélas, récemment. Cet arbre n'est pas abattu par la force du vent, par les éléments de la nature, mais il est délibérément souillé. Les auteurs ont pris un plaisir diabolique à abattre cet arbre qui fut planté à la mémoire d'Ilan Halimi.

Tout le pays, et je dis bien tout le pays, a trouvé des mots justes pour dénoncer cet acte inqualifiable. Du chef de l'État à l'ensemble des représentants des partis politiques, tout le monde, tout le pays a su qualifier cet acte. Et c'est heureux !

C'est heureux ! D'ailleurs, ils sont quasiment tous là. […] Et donc, nous plantons cet arbre parce que Maître Jakubowicz, grande figure du barreau […] dont les spectateurs de la fin du XXème siècle se souviennent des plaidoiries lors du procès Papon, porta cette parole pour exiger la condamnation de ceux qui avaient collaboré.
Cette même voix, celle de Maître Jakubowicz, lance un appel sur les réseaux sociaux – comme quoi il n'y a pas que du mauvais sur les réseaux sociaux – et dit qu'il faut que dans toutes les villes de France, on plante un arbre à la mémoire d'Ilan Halimi. Et donc, naturellement, maire d'une commune de France, Montpellier, comme d'autres maires, j’ai rejoint cette initiative.

Cela dit, en tant que maire de Montpellier, je voulais être sûr que la rentrée ait eu lieu et que nous puissions être le plus nombreux possible, et mesdames et messieurs, vous êtes nombreux, et je vous en remercie. Même si, évidemment, beaucoup de gens ont des obligations. Et donc, nous plantons cet arbre, parce qu'il faut qu'une forêt se dresse, pour toucher les cœurs d'une famille endeuillée, celle d'Ilan Halimi. Qu'elle sente que le pays, la nation, est à ses côtés.

Elle qui a enduré l'épreuve de la disparition d'un fils aimé, jeune, en 2006, capturé, puis séquestré par ce qu'on a appelé le gang de barbares. La justice de notre pays l’a condamné avec la sévérité qui est la sienne. Ainsi, Youssef Fofana, qui a été le commanditaire, connaît la peine de réclusion criminelle à perpétuité.

Je me souviens d'avoir marché à Paris, alors que j’étais, cher Hussein, étudiant à la Sorbonne, à la mémoire d'Ilan Halimi, et cela avait provoqué un grand émoi dans notre pays. Et oui, grand émoi, parce que pour la première fois depuis le début du XXIème siècle, un Français était arraché à la vie parce que juif. Parfois, dans nos discours, nous disons que l'antisémitisme renaît depuis le 7 octobre… Il se déchaîne depuis le 7 octobre, mais je rappelle dans chacun de mes discours que depuis le début du XXIème siècle, eh bien, on tue.

Ilan Halimi est la première victime de ce nouvel antisémitisme, parce que l'antisémitisme a trouvé différentes formes dans l'histoire humaine – le déicide, les Juifs et l'argent.
Mais chacun a fait son travail, après la Shoah, ensuite Vatican II, évidemment, la société française notamment avec la plaque à la mémoire des Justes de France au Panthéon…
Mais Ilan Halimi est la victime du nouvel antisémitisme. Celui dont, avec toi, chère Hélène [ndlr : Mandroux], nous avons été parmi les premiers à nous dresser contre, celui de Dieudonné, qui faisait en 2008 le sketch avec Marine Le Pen, avec Faurisson, le négationniste au Zénith. Et là, nous avons vu que la jonction était présente, qu’elle n'était pas celle de l'humour, mais celle d'un discours de haine condamné par la loi Gayssot. Et ceux qui ont tué Ilan Halimi viennent de ce nouvel antisémitisme-là.

Je prends un peu de temps parce qu'il faut être rigoureux sur ce sujet. Et donc, de la même manière qu'il a existé un négationnisme de la Solution finale comme Robert Faurisson, il existe aujourd'hui des gens qui veulent tuer la mémoire d'une nation qui a su se lever pour condamner cet antisémitisme-là, pour soutenir la famille d'Ilan Halimi, pour rappeler les principes républicains qui fondent notre pays. Ce sont des principes universalistes, ceux nés de la Révolution française, comme l'émancipation des Juifs de France, ceux illuminés par la maxime de Lamartine, que j’aime si souvent citer : « Je suis de la couleur de ceux qu’on persécute ». Je suis de la religion de ceux qu’on persécute. Je suis de l'origine de ceux qu’on persécute. Parce que ce drapeau qui est là, choisi par Lamartine, incarne la fidélité à ses valeurs universelles.

Un combat résolu contre le racisme et l'antisémitisme, résolu parce que nous sommes le pays de l'égalité des droits et que personne ne peut être inquiété selon ses origines, selon sa foi et selon ses tendances. Et que je dois vous dire que, comme maire de Montpellier, j'ai eu mal quand j'ai vu cette image de gens qui ont arraché le drapeau tricolore dans un cortège. Parce que le drapeau tricolore, ce sont ces valeurs-là.

Cher Michel Cohen, je veux te dire mon amitié et mon soutien. Ceux qui veulent salir le drapeau tricolore sont les complices de ceux qui veulent insulter les valeurs de la République, chèrement acquises de nos combats. Quand un des nôtres meurt, on se soulève, la nation se dresse et se lève.

Continuez à couper des arbres et nos lois vous puniront. Et nous nous dresserons toujours, toujours, encore et encore. Nous sentons bien que dans notre pays, la haine travaille, l'antisémitisme, le racisme.

Mais nous, nous ne nous tairons jamais. Il existe une majorité de citoyens et de citoyennes qui croient dans le grand dessein et le grand destin de ce pays qu'est la France. Nous sommes ici ensemble, debout, pour planter cet arbre, un olivier, très joliment choisi. Symbole de paix, symbole de prospérité. Nous sommes là pour dire que nous nous tiendrons autour de nos valeurs. Et chaque fois que nécessaire, nous continuerons à nous dresser.

Je veux le dire avec beaucoup de force, chère Perla [ndlr : Danan]. Le combat contre l'antisémitisme comme le combat contre le racisme n'est ni l'affaire des hommes et femmes de couleur de notre pays, ni l'affaire des juifs de France. Le combat, comme la tragédie de la mosquée de la Grande-Combe qui a touché nos concitoyens musulmans, n'est pas l'affaire de nos concitoyens de confession musulmane.

C'est l'affaire de nous, Français et Françaises. C'est notre devoir. Alors des fois, on peut se dire à cet instant : nous l'avons déjà dit dix fois ! Nous l'avons répété cent fois. Nous nous sommes rassemblés mille fois.

Peut-être…
Mais le jour où nous ne nous retrouverons plus, alors ils auront gagné. Eh bien moi, je suis résolu, comme toutes les personnalités présentes ou excusées, qui se sont retrouvées ici, à ne pas laisser les mémoires profanées, à rappeler à tout un chacun son devoir.
Ici, le message est clair.

Nous n'avons pas choisi ce lieu par hasard pour planter un arbre, à la mémoire d’Ilan Halimi. Nous nous trouvons ici à côté de la Mairie de Montpellier, c'est la maison commune, c'est tout Montpellier qui va veiller à la mémoire d’Ilan Halimi. Comme tout Montpellier doit veiller à la mémoire des agents morts. Comme tout Montpellier doit veiller à la mémoire des Justes de France. Comme tout Montpellier, Madame la Ministre, doit veiller à la mémoire des victimes du génocide au Rwanda, dont la mémoire aussi doit être reconnue. Comme tout Montpellier doit veiller à la mémoire du génocide arménien dans ce parc d'Arménie, parce qu'il y a des négationnistes qui encore sont à l'œuvre.

C'est notre devoir. Il est écrit la plus belle des devises. Chaque pays a la sienne : Liberté, égalité, fraternité. Cette devise, elle doit vivre !

Voilà pourquoi nous nous retrouvons ici, à la mémoire d'Ilan Halimi, en réponse à cet acte ignoble. Ignoble ! Et pour lequel j'espère que les auteurs seront châtiés, comme il se doit. Mais cela appartient à l'autorité judiciaire et à la sérénité du débat. Nous, nous sommes debout.

Alors à tous ceux qui aujourd'hui peuvent ressentir de la peur, et je sais qu'elle existe – Madame la Présidente, vous l'avez évoquée. Je sais que pour nos concitoyens de confession musulmane, la situation peut être difficile. Mais aujourd'hui, l'image de fraternité est forte car nous sommes là, ensemble.

Alors la France est fière d'avoir ses concitoyens d'origine juive, de confession musulmane, catholique, bouddhiste, évangélique, protestante, non-croyants, citoyens de toute sensibilité politique. Elle est fière de cela.

À ceux qui veulent nous opposer, nous répondrons par la fraternité. Nous sommes debout. Je ne sais pas si ces mots arriveront à la famille d'Ilan Halimi, mais je voudrais leur dire tout notre soutien.

Être une mère et perdre un fils, arraché à la vie dans ces circonstances, oblige à la décence. J'aimerais que ces mots lui soient portés jusqu'à elle. Ici dans le sud de la France, comme dans de nombreuses communes de notre grande république, nous pensons à cette dignité qui est la sienne et à son chagrin ineffaçable.

Ilan est dans le cœur de chacun d’entre nous, dans le cœur de tous les Français et les Françaises. Ilan est aujourd'hui dans la terre de Montpellier, ville qui ne cèdera jamais sur les valeurs de la République. Je vous remercie.